« VERTIGE (2001-2021) » : LES RÊVES DE THÉÂTRE D’UNE JEUNESSE ENFLAMMÉE

6-credit-simon-gosselin-vertige-2000x1334

Vertige (2001-2021) – Guillaume Vincent –  a été donné du 23 mars au 8 avril 2023 au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris. 

« Vertige (2001-2021) » rassemble des étudiants du Théâtre de l’école du Nord d’à peine vingt ans. Ils n’ont pas vécu le 11 septembre 2001, ni l’élection présidentielle de 2002, et pourtant ce sont les souvenirs qui remontent à la surface du metteur en scène Guillaume Vincent quand il travaille avec eux. Dans ce Vertige, se croisent ses propres souvenirs d’étudiant au Théâtre National de Strasbourg en 2001, et ceux de la promo 6 de l’école du Nord. Le spectacle né de cette rencontre fait feu de tout bois, survole l’actualité récente et quelques extraits du répertoire théâtral. Il frappe surtout par l’énergie des comédiens qui se donnent sans compter, sans tabou, une jeunesse dont l’envie de brûler les planches est manifeste et emporte tout. Vertige (2001-2021) est bavard, parfois décousu, les comédiens en font souvent trop mais leur sincérité et leur envie de jouer sauvent la mise.

Avant tout, « Vertige (2001-2021) » est un rêve de théâtre. L’entrée en matière est portée par la fascinante Suzanne de Baecque (souvenez-nous de « la Seconde Surprise de l’amour » de Marivaux). Sur la magnifique scène élisabéthaine des Bouffes du Nord, deux étudiants bossent leur texte crayon à la main. Leur candeur est désarmante face à la scène d’amour qu’ils sont censés jouer. Rires maladroits. Il y a beaucoup d’application chez ces jeunes qui veulent faire du théâtre et de vraies « propositions ». Pourquoi faire du théâtre ? Il y a le prestige du concours réussi, une variété de parcours, d’expériences. Certains arrivent avec une conviction politique, nourrie au théâtre de Brecht (« souciez-vous en quittant ce monde, non d’avoir été bon, cela ne suffit pas, mais de quitter un monde bon ! » ou une traduction approchante) qui se fracasse à l’exercice de Feydeau de la rentrée. Tous souhaitent offrir une lecture nouvelle des œuvres, de « Ne te promène donc pas toute nue », à « Platonov » en passant par « Les vagues » de Virginia Wolf.

« Vertige (2001-2021 ») est aussi l’histoire d’une « bande de potes ». Les portraits de jeunes sont touchants : Suzanne hésitante et d’une timidité presque maladive au début, Camilla qui se cache pudiquement derrière un « nan je rigole », l’homosexuel qui peine à s’affirmer… Chacun avec sa personnalité, qui s’affirme au fil des événements. L’entraide, la sollicitude des uns pour les autres est manifeste. L’humour est omniprésent. Se prendre au sérieux, même quand on est pris sur un court métrage, est impossible.

Dans cette dynamique de théâtre et de groupe viennent s’insérer les événements qui ont marqué le metteur en scène quand il était lui-même étudiant. Soit. Le décalage de génération est troublant, il a mérite de plonger le spectateur vingt ans en arrière dans sa propre jeunesse et dans l’énergie d’une époque, à défaut de vraiment creuser les phénomènes de société qui se jouent.

C’est peu dire qu’il y a abondance d’accessoires et d’effets, dont on se demandera quelle est l’utilité. Pourquoi faire venir des enfants sur scène ? Clin d’œil aux générations suivantes ? Mystère. Le banquet de fin d’année déborde de victuailles en plastique sur ce même plateau où a été convoqué l’esprit de Peter Brook, roi de l’Espace Vide. Et pourquoi projeter la vie de chacun vingt ans après, à toute allure ?

Emmanuelle Picard

Photo Simon Gosselin

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s