DES « NOCES DE FIGARO » A L’AUNE DU HARCELEMENT SEXUEL

figaro

LES NOCES DE FIGARO – Opéra de Mozart sur un livret de Da Ponte – Direction musicale Louis Langrée – Mise en scène, création vidéo et scénographie Netia Jones – A L’Opéra Garnier, Paris, jusqu’au 26 décembre 2022.

Les Noces de Figaro mérite bien son sous-titre: la Folle Journée, car en ce jour de mariage de Figaro et Susanna, les surprises et les quiproquos se succèdent à un rythme soutenu. Le maitre, le Comte Almaviva, voudrait faire appliquer son droit de cuissage sur Susanna, la Comtesse Almaviva veut que son mari volage lui revienne et provoque sa jalousie, Figaro doit aider Cherubino à fuir l’ire du Comte, Marcellina vient réclamer à Figaro de se marier avec elle car il n’a pas honoré une dette…

Inspiré du très controversé Mariage de Figaro de Beaumarchais de 1778, c’est en 1786 que Mozart travaillera avec l’abbé Da Ponte comme librettiste, pour une première collaboration ensemble, sur cet opéra en atténuant certes le propos polémique de la contestation populaire qui couve (3 ans plus tard la Révolution Française aura lieu). C’est un succès dès les premières représentations et qui ne se démentira pas jusqu’à nos jours. A l’heure du ‘Me Too’, la metteuse en scène Netia Jones a choisi de transposer l’action de nos jours dans les coulisses même de l’Opéra Garnier mettant l’accent sur le harcèlement sexuel (dès l’ouverture, le Comte apparait comme un prédateur à l’encontre d’une jeune ballerine, les affiches de protestation contre le harcèlement). C’est elle aussi qui est en charge des costumes, des vidéos et des décors. Lors de la première partie, nous voyons simultanément ce qu’il se passe dans trois loges de l’opéra. Il y a beaucoup à voir sur le plateau, l’action s’étalant souvent d’une loge sur l’autre car elles ont des portes communicantes qui s’ouvrent à la volée comme dans du théâtre de boulevard. Les deux premiers actes passent très rapidement (1h35) car nous sommes très sollicités visuellement de toute part, néanmoins cela peut destabiliser certains spectateurs, surtout s’ils doivent en plus lire les sur-titres. Après l’entracte, l’action est sur un plateau unique où nous suivons comment la vérité sur le Comte va éclater.

La direction musicale est assurée avec brio par Louis Langrée, le directeur de l’Opera Comique. Il dirige avec dynamisme et précision l’orchestre de l’Opéra national de Paris. Il faut noter que l’on ne voit pas beaucoup le Choeur de l’Opéra de Paris qui est en retrait des chanteurs, cela n’entrave en rien sa prestation fort agréable.

Le Comte est joué par le baryton-basse Gérald Finley, on adore le détester tant son attitude envers les femmes est arrogante et qu’il semble sûr de lui. Sa stature imposante et sa voix puissante, capable de jolies finesses, en font un Comte vraiment réussi. Luca Pisaroni est Figaro, lui aussi est un baryton-basse et il a la parfaite maitrise de son rôle tant dans le jeu que dans le chant, ils seront ovationnés par les spectateurs. Face à ces deux hommes, nous trouvons deux femmes fortes : Jeanine De Bique est une Susanna respirant la joie de vivre avec une allure mutine et une voix d’une délicieuse clarté même si sur son premier air, sa voix était un peu couverte par la musique. Elle semble très complice avec la Comtesse Almaviva que Miah Persson anime avec beaucoup de sensibilité. Ses deux grands airs sont un bonheur de finesse et de délicatesse. Elles aussi ont droit à un triomphe du public. Le coup de cœur des spectateurs est pour la mezzo Rachel Frenkel, débutante à Garnier, qui incarne un Cherubino à la fois facétieux et séducteur à fort potentiel (le ‘Voi que sapete’ en face à face avec la Comtesse est troublant de sensualité). Le reste des chanteurs est en harmonie avec les héros de cette folle journée.

Valérie Leah

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