« TARTUFFE OU L’HYPOCRITE », IVO VAN HOVE AU PLUS PRES DE MOLIERE

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« Tartuffe ou l’Hypocrite » – d’après la première version du Tartuffe de Molière – m.e.s. Ivo van Hove – Du 13 au 15 octobre à la Comédie de Genève. Avec la troupe de la Comédie-Française.

Pour le 400e anniversaire de la naissance de Molière, la Comédie Française a mandaté Ivo van Hove pour la mise en scène du célèbre Tartuffe (le loup dans la bergerie). Mais cette version est inédite, l’Hypocrite est la toute première version en trois actes qu’a proposée Molière au roi Louis XIV. Jouée le 12 mai 1664, elle est fort bien accueillie. Le roi, pourtant, interdit sa représentation publique, « son extrême délicatesse pour les choses de la religion ne put souffrir cette ressemblance du vice avec la vertu, qui pouvait être prise l’une pour l’autre ». Une censure qui anime le débat durant cinq ans. Les Shocking ! théâtraux face à la religion ne font que commencer. Les sujets catholiques de sa Majesté auraient pu s’offenser de l’image d’un directeur de conscience à la fois dévot, et menteur lubrique. Un curé d’ailleurs décrit Molière comme un « démon vestu de chair et habillé en homme » pour avoir osé. Molière alors retravaille son texte et transforme son Tartuffe en un intrigant manipulateur sous couvert de bigoterie. D’où la nouvelle version créée en 1667, » Tartuffe ou l’imposteur », en cinq actes et l’ajout de deux personnages. La pièce cependant ne sera autorisée qu’en 1669. Un triomphe. Autant dire que Molière ne s’est pas battu pour rien.

La version en trois actes, mise en scène par Ivo van Hove et jouée par la troupe de la Comédie française, est une reconstitution de la version originelle par Georges Forestier (spécialiste de Molière) et l’appui d’Isabelle Grellet.

On connaît tous et toutes la trame de cette comédie. Cette version-là, contemporaine, en fait quasiment une tragédie. En effet, point d’émissaire du roi venant sauver Orgon de la ruine, mais un Tartuffe gagnant sur tous les tableaux, fortune et amour! Même Elmire qui cherche à le confondre pour son mari, succombe à son charme dévastateur. Voilà ce que permet un discours trompeur et « populiste »: gagner le pouvoir par la démagogie et le style. Ces tartufferies-là ont beau jeu politique aujourd’hui.

Les machinations de Tartuffe sont représentées par une scénographie noire et mécanique, bien que clinquante, où les objets montent ou descendent des cintres et où les coups de théâtre sont précédés par des coups de « canon » auditifs. Des lustres à pampilles et des chaises meublent le plateau (puis la fameuse table sous laquelle Orgon se cachera), une plateforme avec escalier permet un second plan. La musique est cinématographique, diffusant des ambiances dramatiques et du suspens. Et bien sûr la lumière assiste le texte, collaborant aux différentes atmosphères par des néons, torches ou guirlandes.

Commenter le jeu des artistes de la Comédie française n’est pas de mon ressort. Mais, sur ce ring blanc où luttes et embrasement des sens déferlent, j’ai été particulièrement sensible au jeu de Loïc Corbery. Ce fantastique Cléante a une façon de dire les alexandrins de ce texte, âgé de plus de 350 ans, qui les rend véritablement contemporains.

En aparté, l’ironie du sort fait que la célèbre formule « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » ainsi que celle « Pour être dévot, je n’en suis pas moins homme » résonnent avec insistance par-delà les siècles.

Culturieuse,
à Genève

photo Jan Versweyld

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