« TOUT MON AMOUR », UN THRILLER ECRASANT

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Tout mon amour – Arnaud Meunier – Théâtre du Rond Point Paris – 17 mai au 5 juin 2022.

A quoi ressemble un thriller au théâtre ? Comment créer la tension ? La pièce de Laurent Mauvignier, « Tout mon amour », est construite autour d’une énigme, d’un événement passé qui se révèle progressivement aux protagonistes de l’intrigue. Arnaud Meunier s’est entouré de comédiens chevronnés, à commencer par Anne Brochet et Philippe Torreton pour donner vie à cette histoire de famille. La tension est palpable, croissante, écrasante. Les silences s’étirent, oppressants jusqu’au point d’orgue du dénouement. Si le contrat du thriller est rempli, le huis clos familial peut s’avérer pesant, la progression assez lente et le propos plutôt étroit.

À la mort de son père, un homme revient dans la maison où il a passé son enfance, près du bois où sa fille a disparu dix ans plus tôt. L’enterrement, les affaires familiales à régler : sa femme et lui veulent faire vite et ne pas s’attarder. Sauf que leurs souvenirs les attendent….

L’intérieur de la maison est stylisé, deux espaces clairement définis, où s’invitent les personnages et leurs souvenirs. Une table et quelques chaises, l’atmosphère est ailleurs. Dans les dialogues vides que s’échangent le couple sur des banalités du quotidien, dans l’étrange attente qui se dessine. Philippe Torreton et Anne Brochet donnent du poids à ce couple accablé, lui inquiet, elle froide, tout en retenue, perchée sur des bottines à talons. Derrière le flot des paroles logistiques, horaires de train ou emploi du temps du fils, les non-dits sont écrasants. Petit à petit des éléments complémentaires sont semés, indices discrets apportés par des personnages tiers qui forcent le couple à avancer plus loin dans ces souvenirs laissés de côté. Le silence et les temps morts soutiennent le suspens. Le crescendo est étudié dans les moindres détails, l’imagination du spectateur reconstitue petit à petit quelques pièces du drame. L’attente est longue, la progression parfois fastidieuse.

Les révélations finales sont tonitruantes. La première, faite par la Fille, s’entend de manière logique, un fait divers sordide et bien étudié. La seconde, faite par la Mère, est spectaculaire. Elle donne son titre à la pièce et en dit long sur les cicatrices familiales, les blessures tues, l’animosité rentrée qui finit par éclater. La force de la pièce est sans doute dans ce point de vue-là, original, peu exploré. Autant le fait divers ressemble à du « déjà vu », autant l’impact de l’histoire sur la dynamique familiale est une vraie bombe.

Difficile d’en dire plus sur la pièce sans dévoiler l’intrigue. La mise en scène est sobre, le rythme bien étudié, et le texte construit pour que le thriller atteigne son paroxysme à la fin du spectacle. Le côté emprunté des silences, la quête quasi monomaniaque de la vérité, et la tension des personnages qui cheminent seuls, chacun de leur côté sont toutefois pesantes. Une bon thriller pour ceux qui aiment le genre.

Emmanuelle Picard

Photo Sonia Barcet

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