FESTIVAL D’AIX 2022 : TRAVERSER L’ÉPREUVE ET RENAÎTRE – 4-23 juillet 2022, Aix en Provence.
La 75e édition du Festival d’Aix, dans son intitulé, fait d’emblée allusion à une actualité hélas prégnante, cette guerre en plein coeur de l’Europe, mais délivre en même temps un message d’espoir, une « résilience » comme l’on dit désormais, qui se veut réconfortante. Un festival qui s’est mis en résonance avec notre contemporanéité douloureuse, jusqu’au graphisme de l’affiche 2022 qui s’est parée des couleurs du drapeau ukrainien.
Pour ce qui est de la programmation 2022, toujours l’excellence et la créativité qui ont fait depuis longtemps la renommée de ce festival d’Art lyrique, l’un des meilleurs au monde. A commencer par ce qui s’annonce déjà comme un événement, le maestro Romeo Castellucci montant un fort à propos « Résurrection » inspiré de la 2e symphonie de Gustav Mahler avec à la direction musicale Esa-Pekka Salonen. Gageons que cette oeuvre forte de Mahler, sublimée par la mise en scène puissante de l’inventif et iconoclaste artiste italien saura réveiller les morts.
Autre moment fort de ce programme, sera n’en doutons pas l' »Idomeneo« de Mozart, oeuvre de jeunesse du compositeur où déjà tout ce qui constitue ses grandes pièces d’opéra est présent, et augure de l’esthétique future du maestro, identifiable parmi toutes. A la mise en scène, Satoshi Miyagi dont on connaît le théâtre singulier, apprécié notamment au Festival d’Avignon. Il sera secondé à la direction musicale par Raphaël Pichon.
Autre incontournable sera la création mondiale du grand compositeur Pascal Dusapin, un « Viaggio Dante« , mis en scène par Claus Guth sous la direction musicale de Kent Nagano. Dusapin est au sommet de son art, découvreur sans limite et explorateur rigoureux. Une excellence et une contemporanéité qui collent si bien à la philosophie de ce Festival hors du commun.
Nous n’oublierons pas bien sûr L’ »incoronazione di Poppea » de Monteverdi sous la direction musicale de Leonardo García Alarcón et la mise en scène de Ted Huffman, ni l’autre création mondiale du festival, « Woman at point zero« , de Bushra El-Turk, sous la direction musicale de Kanako Abe et la mise en scène de Laila Soliman…
Mais écoutons Pierre Audi, le directeur général du festival, à propos de cette nouvelle programmation : « Et c’est dans les eaux de la Méditerranée – creuset culturel dont le Festival est l’héritier – que cette renaissance puise son inspiration, qu’elle soit biblique (Moïse et Pharaon de Rossini, Salomé de Strauss), grecque et romaine (Le Couronnement de Poppée de Monteverdi, les Orphée de Monteverdi et Gluck, Idomeneo de Mozart, Norma de Bellini), médiévale et Renaissance (Il Viaggio, Dante de Pascal Dusapin) ou contemporaine (Woman at Point Zero de Bushra El-Turk). Deux créations mondiales, des chefs prestigieux à la tête d’une variété d’orchestres d’exception, de grandes figures de la mise en scène acclamées au théâtre comme sur les scènes lyriques, parmi les plus belles voix d’aujourd’hui au faîte de leur carrière ou en pleine ascension : ainsi sera illustrée toute la diversité des talents qui font l’opéra du XXIe siècle(…) »
Un millésime 2022 qui s’annonce donc ajusté à la puissance d’un monde en mouvement, fait de beauté et de désolation, de fulgurances et de douceur, un monde blessé mais en constant renouveau, un monde en perpétuel clair-obscur que savent si bien sublimer les artistes invités dans cette nouvelle édition.
Marc Roudier
Image : le metteur en scène Romeo Castellucci pour « Resurrection »