« ZOO », UN EXPOSÉ INTELLO DÉROUTANT

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Zoo – Emmanuel Demarcy-Mota – Théâtre de la Ville (Espace Cardin), Paris – du 15 mars au 15 avril 2022. 

La nouvelle production du Théâtre de la Ville mise en scène par son directeur, Emmanuel Demarcy-Motta, et lancée à grands renforts d’affiches et d’invitations scolaires, est peu courante : « Zoo » est une pièce de Vercors, co-fondateur des éditions de Minuit et auteur du Silence de la mer, qui questionne la définition même de notre humanité. Le dispositif choisi est celui d’un procès. La mise en scène avec moult acteurs, vidéos, costumes d’animaux, ne simplifie pas une approche déjà alambiquée dans la pièce d’origine. Si la question des fondements de l’humanité est intéressante en ces temps de transhumanisme, le propos est dilué à la fois dans le fond et la forme. Un exercice dont on pourra se passer.

Douglas Templemore, journaliste, est jugé pour avoir donné la mort à sa fille, un être hybride issue de l’insémination artificielle d’une « tropie », espèce animale intermédiaire entre l’homme et le singe. Il a provoqué ce procès pour générer un débat sur ce qui définit un homme.

Le public est d’emblée pris à partie, désigné comme la salle de l’audience. Les acteurs sont des juges, avocats, accusés ou témoins à charges, le procès est présenté comme l’occasion de provoquer une définition légale de ce qu’est un être humain. Les onze comédiens sont bien présents sur le plateau et scrutent intensément le public. Des écrans transparents permettent de projeter des images sur scène, « close-up » du visage des protagonistes rappelant le dispositif utilisé dans les Démons mis en scène par Guy Cassiers à la Comédie Française en début de saison. L’artifice est heureusement temporaire. Son utilité est douteuse, tout comme les masques d’animaux revêtus parfois par l’un ou l’autre des protagonistes. Que viennent faire un caméléon ou un oiseau dans ces discussions ? Le propos est suffisamment compliqué pour ne pas en rajouter.

Le point de départ est troublant : les moyens utilisés (meurtre d’un être vivant) par Douglas Templemore et sa compagne pour lancer le grand débat sont pour le moins questionnables. Etrangement, le sujet est mis de côté, tout se cristallise autour de la définition de ce qui fait un Homme, indépendamment des motivations de chacun. Est-ce la morphologie ? La taille du cerveau ? Les capacités d’abstraction ? La conscience ? Anthropologues, médecins et prêtre se relaient au micro. L’auteur de la pièce d’origine, Vercors, est un résistant de la première heure. Ainsi écrit-il « l’animal subit la nature tandis que l’homme lutte pour la dominer… cela signifie « nous sommes des rebelles : nous voulons percer des secrets interdits »… ». Soit. Le débat enchaine les idées, clôt le sujet sans ambiguïté, comme un verdict rendu sans appel. Il semble manquer une vraie discussion, des zones d’ombres… L’esthétique voulue par les costumes et la vidéo encombre, l’essentiel est ailleurs.

La pièce sera l’occasion de nombreux débats au Théâtre de la Ville délocalisé à l’Espace Cardin avec des biologistes, philosophes, astrophysiciens. La question de l’Humanité se pose assurément de manière aigue au XXIe siècle à l’heure de l’homme « augmenté ». Le débat mériterait plus de nuances et de profondeur. « Zoo » peine à convaincre. En tout cas il pose la question sans vraiment commencer d’y répondre.

Emmanuelle Picard

Photo J.L. Fernandez

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