« Celle que vous croyez » – d’après le roman de Camille Laurens (Gallimard 2016) -è mise en scène, adaptation et coréalisation vidéo : par Jessica Gazon – Théâtre Marni (en collaboration avec le Théâtre le Rideau) Bruxelles, jusqu’au 19/03/22 – 19h30 – Attention : durée du spectacle : 2h40, sans entracte.
Mettons tout de suite les pieds dans le plat. Passé la cinquantaine, une femme n’est-elle plus désirable ? Et comment venir à bout de cette invisibilité ambiante ? Le désir est bel et bien un droit, un sentiment inéluctable, irrésistible. L’âge n’y change rien, ou… si ?
Comme si c’était contagieux, le refus de vieillir provoque parfois même un rejet immédiat envers les personnes « âgées ». Si je ne vois pas… je ne suis pas, devient un sentiment généralisé, fortement influencé par les réseaux sociaux. Me vient à l’esprit la citation de l’actrice et réalisatrice Agnès Jaoui (*) « La discrimination, peu importe laquelle, on ne s’en rend pas compte quand on n’est pas concerné » Tellement vrai ! Le spectacle questionne le quotidien des femmes. Durant 2h40, le public est embarqué dans les sombres péripéties amoureuses d’une femme devenue « invisible » ou qui croit l’être. Comment décerner le vrai du faux, la folie de la raison, le rêve ou la vie réelle ?
Si de nos jours la jeunesse prend toute la place médiatique et subliminale, rendant déprimante le passage inévitable vers la vieillesse, généraliser ne doit pas être un état de fait. Réduire ou pas la femme de plus de cinquante ans à l’invisibilité ambiante, n’est-ce pas une question de culture et d’éducation ? La femme à tout âge peut plaire et certainement désirer ! « Quand une femme de 50 ans est seule, on ne vous invite plus » a dit un jour, Valérie Lemercier. Force est de constater que beaucoup de femmes le vivent au quotidien. Je ne résiste pas à citer, dès lors, Wiz Khalifa : « Ne sois pas amoureux de la plus belle femme du monde, mais sois amoureux de la femme qui rend ton monde plus beau ». Ou encore Euripide : « Ce n’est pas la beauté de la femme qui ensorcelle, mais sa noblesse ».
Supercherie, mensonges, narcissisme, violence, façade des réseaux sociaux, « machisme inconscient devenu habituel », faut-il pour autant résumer sa vie à un avatar par procuration ? :
L’histoire : Théâtre et court métrage
Magistralement interprété par Valérie Bauchou, Claire Antunes (*) à 48 ans. Elle se crée un faux profil Facebook d’une jeune femme de 24 ans pour plaire à Chris (Benjamin Roman), 36 ans, photographe. Son but ? Qu’il la désire, l’aime, vivre une histoire d’amour que son corps, son esprit, sa raison lui réclament alors qu’elle se pose des questions sur son âge et la légitimité de désirer un homme plus jeune. Elle entame une relation à travers le réseau social. Une photo, jeune brune, et le tour est joué. Mais voilà, lorsque les sentiments s’en mêlent pour de vrai et que la rencontre semble inévitable… quel peut en être l’issue ? Claire va-t-elle provoquer un crash de non-retour ? : « …il m’attrapait là où j’étais, dans une adolescence d’amour. Et j’y étais parce qu’il le voulait ainsi, c’est tout ». Où est-ce Camille, l’auteure, qui « avoue » à son éditeur son vécu qui va prendre les choses en mains ? « Les jours où je ne prends pas mes médicaments, je danse très bien, vous verrez ». Brillant Quentin Marteau dans le rôle du psychiatre : « Parlez-moi de cette photo ».
Originale la mise en scène de Jessica Gazon qui crée la fiction dans la fiction, loin de sombrer dans le victimisme ou la moralisation. Teinté d’humour, elle questionne hommes et femmes, les spectateurs sont tour à tour confrontés aux sentiments, comportements, réflexions de Claire, le psychiatre, le jeune amant, la metteuse en scène… Le spectacle respire la complicité entre les comédien/ne/s, cités plus haut, dont Gaëtan d’Agostino.
Entre pièges et mensonges, qui bluffe qui ? Pour le découvrir, rendez-vous jusqu’au 19/03/22 au Théâtre Marni. Un roman à lire où Camille Laurens aime mêler fiction et réalité, jouant des tours à notre imaginaire.
Texte, mise en scène, jeu, décor, création et vidéo : “Celle que vous croyez”, un spectacle à voir au Théâtre Marni, à Ixelles, jusqu’au 19/03/22. Prenant, saisissant !
Je ne résiste pas à l’envie de vous citer Albert Brie: « Femme rebelle, c’est-à-dire deux fois belle : dans ce qu’elle permet et dans ce qu’elle refuse ». Femmes au de-delà de cinquante ans invisibles ? Sûrement pas !
Julia Garlito Y Romo
Les comédiens : Valérie Bauchou, Gaëtan D’Agostino, Jessica Gazon, Quentin Marteau et Benjamin Ramon / Assistanat et Création vidéo : Gaëtan D’Agostino / Regard extérieur : Thibaut Nève / Scénographie : Vincent Bresmal et Matthieu Delcourt / Création lumière et regard dramaturgique : Guillaume Toussaint Fromentin / Création costumes : Élise Abraham / Création sonore : Guillaume Istace / Régie générale : Aurélie Perret / Régie lumière et vidéo : Aurore Leduc / Régie son : Hubert Monroy / Habillage : Nina Juncker / Construction des décors : Vincent Rutten / Diffusion La Charge du Rhinocéros / Photos : Alice Piemme / AML. Production Rideau de Bruxelles, Compagnie Gazon-Nève, Centre culturel de Dinant et de Verviers.
Bon à savoir : Ce roman a également été adapté au cinéma en 2018, avec Juliette Binoche.
(*) Agnès Jaoui, membre du collectif 50/50 pour la parité dans le Septième art et signataire de la tribune pour la réforme de l’Académie des César,
(**) Avatar de Claire Millecam alias Camille Laurens.