« REBOTA REBOTA Y EN TU CARA EXPLOTA », MAGISTRAL !

Rebota-rebota

« Rebota Rebota y en tu cara explota » – d’Agnès Mateus et Quim Tarrida, avec Agnès Mateus – Grande salle – Théâtre National à Bruxelles du 15 au 17 décembre 2021. Langue : espagnol, surtitré en français.

Seule-en-scène, Agnès Mateus, la performeuse par excellence, dénonce sans mâcher ses mots !

Risqué et sans nul doute brillamment réussi, « Rebota rebota y en tu cara explota » (ça rebondit, ça rebondit et ça t’éclate en pleine face) dénonce avec sarcasme, humour grinçant, corrosif et ravageur, la violence faite aux femmes dans le monde. Et, tout particulièrement en Espagne, où 2 femmes meurent (en moyenne) par semaine, assassinées par leurs époux, ex-époux, fiancés, petit-amis ou ex petits-amis, pères, beaux-pères, bref… des Hommes. Un spectacle coup de poing pour dénoncer le machisme ambiant. Assez de se faire traiter de « sale p*** » (On va s’épargner cette insulte en remplaçant par des astérisques). En Espagne, quand on est femme, on est souvent ramenée à son sexe, à son appareil génital. Non, les insultes faites aux femmes continuellement ne peuvent pas être normalisées! Le sexisme n’est pas ordinaire. Ce soir, je suis dans mon élément. Les mots déclamés par la comédienne ont un terrible impact, ils me transportent au loin, dans ma terre d’origine.

Que dire des chiffres ? 601 femmes mortes. Ça fait frémir.

Et pourtant, l’indifférence, ou presque, semble de mise dans ce monde ou les mémoires sont de courte durée… à peine « une minute de silence » ! « Féminicide », un mot qu’hélas, les Espagnoles ne connaissent que trop bien, mais pas seulement. « Des femmes dont le nom ne doit pas être oublié », crie haut et fort Agnès sur scène tandis que derrière elle défile la liste des noms et de l’âge de plus de six cent d’entre elles.

Longue ovation méritée pour un spectacle percutant ! Agnès Mateus, performeuse, et Quim Tarrida, artiste visuel et sonore, tous deux multidisciplinaires, un duo de choc !

Un spectacle dénonciateur du machisme, sexisme, le patriarcat, la violence de genre. Les balles de ping-pong qui rebondissent sur scène, une métaphore ? Pas que ! Tout peut nous exploser à « la gueule » et ce ne serait pas plus mal si cela nous fait réagir !

En pantalon paillette, portant un masque de clown effrayant, musique techno à fond, Agnès déboule sur scène en dansant, un rythme électrique qui secoue, la scène balayée de lumières fluo, le public est projeté dans une ambiance discothèque, ça promet !

« Déséquilibrée, malheureuse, phoque, putain, salope, étroite, joufflue, hystérique, inadaptée, lézard, lesbienne, garçon manqué, femme facile, névrosée, garce, vielle peau, veille fille, mal-baisée, sale grosse, … ». La comédienne énumère les insultes que les femmes reçoivent quotidiennement, comme s’il s’agissait d’une normalité, et la liste est longue !. Une collection d’insultes que l’on ne peut attribuer qu’à l’Espagne, mais bien au-delà des frontières et des océans. « Ce n’est pas vrai que cela n’arrive pas partout » ! Tout y passe, les princesses de Disney (pressées à la moulinette et dont les messages subliminaux sont nombreux). La Belle au bois dormant, La Reine des Neiges, Blanche Neige pour la Belle et la bête, pour ne citer que celles-là, symboles par excellence de la soumission passive, souvent victimes tout on long de leurs histoires, finissant toujours par se marier…. Et elles en prennent pour leur grade ! Autant de stéréotypes comportementaux qui bercent aussi bien les petites filles que les petits garçons. Car Agnès n’a pas la langue dans la poche, et de plus, n’est dotée « d’aucune empathie » comme elle le précise sur scène. N’en déplaise à certains, elle fait ce qu’elle veut, elle dit ce qu’elle veut, elle dénonce le machisme, la misogynie, la violence faites au femme, point barre ! Princesses dites-vous ? Que dire de Lady Di, Marie-Antoinette ou encore Grace Kelly ? Mortes. Suicidées, … tuées ? Et la « bite » levée dès 8h du matin, toujours dans la même direction, pour régir tous les faits et gestes de la journée ? Une bite à la place du cerveau ? ça vous dirait de vous mettre un instant dans « peau d’une bite » ? Cru comme situation pensez-vous peut-être ?

Pour mieux le comprendre, je vous invite à découvrir ce spectacle quel que soit le pays où il se jouera à nouveau.

Le détonateur d’une grande mobilisation féministe : Agnès Mateus est une performeuse et artiste multidisciplinaire catalane. À son actif, des études de journalisme combiné avec des études de théâtre et de danse. Sa carrière artistique débute en 1996 avec la naissance du collectif « General Electricity », dissous depuis, après huit années d’existence. Elle collabore régulièrement avec l’artiste, également multidisciplinaire, Quim Tarrida, ainsi qu’avec d’autres pointures du genre comme Roger Bernat, Simona Levi, Juan Navarro et Rodrigo Garcia. À fond dans le mouvement féministe espagnol, Agnès continue la lutte pour que les choses avancent. Et pour ce, elle crée avec Quim Terrada, ce spectacle percutant, en 2017. « C’est important que des hommes veuillent aussi changer les choses » souligne l’artiste hispanique, lors d’une interview télévisée (**). « On souhaite que les gens, surtout les femmes, aient envie d’agir après ce spectacle, et non pas de déprimer ou d’avoir le sentiment que l’on ne peut rien faire » poursuit-t-elle. « Il faut être capable d’agir, de prendre des décisions, de changer les choses même dans notre petit monde ». Faut-il préciser que le spectacle de « Rebota… » a été créé bien avant le phénomène « MeToo » tout comme le mouvement féministe dont fait partie l’artiste ? Pour rappel, en 2016, en pleine fête de « San Fermin » à Pampelune (Nord de l’Espagne), une jeune fille de 18 ans se fait violer collectivement par cinq hommes Sévillans, entre 27 et 29 ans, qui se font appeler « La Manada » (La Meute). Non content de leur acte, ils filment la scène, dans laquelle ils enchaînent fellations et rapports sexuels sans préservatifs dans l’entrée d’un immeuble ; lui volent son téléphone portable et la laissent à moitié nue. Ils postent ensuite les images sur WhatsApp, l’intitule « La Manada » (La Meute) et s’en vantent en écrivant : « En train d’en baiser une à cinq ». Un Juge les condamne à 15 ans de prison mais en 2018, retournement de situation, la peine est réduite à 9 ans pour « agression sexuelle » et non pour « viol » suivi d’une remise en liberté provisoire qui va révolter la population et, il n’en faut pas plus pour entraîner d’énormes manifestations à travers tout le pays et un mouvement féministe qui finit par s’enchaîner au-delà des frontières espagnoles.

« Le patriarcat c’est comme le capitalisme, cela fait partie de notre culture et c’est ce qu’il faut changer. Le féminisme est une façon de vivre très difficile à faire entrer dans les mœurs, mais pas impossible », souligne encore Agnès Mateus, membre de la Movida Catalane, « L’espoir que les choses évoluent, est entre les mains des nouvelles générations. « Rebota… » est joué dans les écoles. L’attitude des jeunes adolescentes et certains jeunes garçons après avoir vu le spectacle, raconte l’artiste, donne l’espoir d’un changement en devenir ». « C’est une grande révolution, poursuit-elle, les hommes semblent maintenant dire qu’il ne s’agit pas que de quelques femmes ».

« La musique reste dans la tête, elle permet par la suite une réflexion plus profonde, plus facile à retenir ». « Ce que l’on voit, qu’on écoute, a plus d’impact si l’on assiste à un spectacle comme « Rebota Rebota y en tu cara explota », ça prend aux tripes » : c’est l’une des idées que les deux artistes Mateus et Tarrida mettent en lumière dans leur mise en scène.

Récompenses méritées : Prix de la critique 2017 en tant que meilleur spectacle de « Noves Tendencies » (nouvelles tendances) ; Prix Butaca 2018 des « Noves Aportacions Escèniques » (nouvelles contributions scéniques) ; Prix FAD (*) Sebastià Gasch Aplaudiment 2018 (applaudissements), tournée internationale depuis sa création :

Une réflexion tranchante sur la passivité ambiante, « Rebota rebota y en tu cara explota » : un spectacle coup de poing, explosif, qui ne laissera personne indemne. Il donne envie d’agir, de réagir (si ce n’est déjà fait), de faire bouger les choses. À voir et à revoir, sans aucun doute !

Malheureusement, la Belgique est encore un peu à la traine sur ce sujet, peu ou pas de chiffres actuellement, et pourtant le Féminicide existe bel et bien dans le plat pays. Alors, même si le chemin est encore long : On en parle autour de nous et on fait avancer les choses, pour que chaque femme puisse marcher tranquillement dans la rue sans penser que derrière elle quelqu’un peut la mettre en danger!

Julia Garlito Y Romo

Bon à savoir : Conception et mise en scène : AgnèsMateus et Quim Tarrida / Jeu – performance : Agnès Mateus / Invité : Pablo Domichovsky / Son, vidéo et photographie : Quim Tarrida / Lumière : Carles Borrès / Traduction et surtitrage : Marion Cousin / Production et tournée : Elclimamola / Co-production : Festival TNT – Terrassa Novers Tendències 2017. Antic Teatre et Konventpuntzero / Soutiens : La Poderosa, Nau Ivanow et Teatre La Massa / Photo : Quim Tarrida

(**) Émission de David Courier sur BX1

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s