MAGAZINE. Exposition « La Collection MOROZOV », Icônes de l’art moderne – Fondation Louis Vuitton, 8, avenue du Mahatma Gandhi, Paris 16e – Tous les jours jusqu’au 22 février 2022
Michaël et Ivan Morozov sont issus d’une famille paysanne d’origine serbe ayant racheté sa liberté aux alentours de 1830. Leur arrière grand-père était un serf qui, rendu libre – affranchi- fabriqua des rubans. L’industrialisation des textiles le rendit fortuné. Nés dans cette riche famille industrielle et orthodoxe, les deux frères Mikhaïl et Ivan ( nés en 1870 et 1871) grandirent dans une atmosphère saturée de savoir bourgeois : littérature, peinture, musique, théâtre…
Adolescents, ils prennent des leçons de musique, de peinture. Michaël poursuit des études d’histoire, Ivan poursuit des études à l’école polytechnique. Riches du décès du père à l’âge de quarante-trois ans, Michaël surtout, il va avoir vingt-et un ans, se retrouve avec une fortune colossale de plusieurs millions de roubles !
Ils savent que Paris a joué le rôle de terre d’accueil pour des individualités artistiques. Les artistes exposent eux-mêmes. Les marchands d’arts sont foison. Ils viennent à Paris à la découverte de l’art nouveau. Ils font la tournée des expositions et des salons à la recherche des peintres impressionnistes français, notamment chez leurs amis : Ambroise Vollard, Durand-Ruel, Druet ; orfèvres en la matière.
Michaël, l’aîné francophile et francophone décédé en 1903, avait un vrai regard, d’une acuité exceptionnelle. Il fut le mentor de son frère Ivan qui était attiré par les Nabis*. Moins fêtard que son frère Michaël, Ivan collectionne avant tout les impressionnistes : Renoir, Monet, Degas, Cézanne, Rodin… les fauves comme Matisse. Il fut le collectionneur qui, jusqu’à l’orée de la Première guerre mondiale, compléta cette très belle collection. Les têtes d’affiches sont Matisse : La danse… Picasso : Les deux Saltimbanques, L’acrobate et la petite équilibriste ; Gauguin : Le Café à Arles… Cézanne : Le Fumeur, Paysage bleu, La Sainte-Victoire dont les couleurs lui faisaient penser à la Méditerranée… Monet : Waterloo Bridge… Van Gogh : Ronde des prisonniers ( avec son autoportrait), Munch : Nuit blanche à Osgarstrand… Renoir : Portrait de Mademoiselle Jeanne Samara… Toulouse-Lautrec : Yvette Guilbert chantant… Renoir : Dans le jardin sous la tonnelle du Moulin de la Galette… Derain, Maillot, Rodin, Claudel, Gontcharova… Les portraits de famille réalisés par les plus grands peintres de l’école russe : Vroubel, Korovine, Répine, Golovine, Sérov : portrait d’Ivan Morozov devant une toile de Matisse : tableau fruits et bronze… Sans oublier l’ode à l’hédonisme de Bonnard, Denis, La Méditerranée, immense triptyque dont on voit, dans le catalogue de l’exposition, qu’il ornait le grand escalier de son hôtel particulier, et le Cycle de l’histoire de Psyché de Maurice Denis commandée pour son salon de musique, « nous parlent de tels paysages solaires » exposés là, en toute fin de l’exposition.
Les grands papiers peints scandent le parcours. Cet espace légendaire permet de développer un palimpseste de la première exposition -consacrée à Sergueï Chtchoukine- et la seconde, aux frères Morozov. Ce cheminement se fait sous les immenses tableaux de Maurice Denis sur le thème de Psyché, avec Quatre Bronzes de Maillol grandeur nature, accompagné par un programme musical qui va de Lully à Pierre Henry sur la thématique de Psyché ; une métaphore de cette quête de beauté : de la connaissance de la transcendance qui fut la quête des Morozov.
*C’est avant tout la couleur pure, solaire, dont le Maître incontesté fut Paul Cerisier ( Le Talisman, huile sur toile à voir au musée d’Orsay), qui l’attire le plus. Gauguin lui avait délivré « une leçon de peinture ». A sa suite, Maurice Denis et Pierre Bonnard furent les déterminants dans la connaissance des Nabis.
Cette collection sera confisquée et nationalisée en 1918, après la révolution russe. Le musée des beaux-arts Pouchkine de Moscou conserve d’autres trésors de la collection Morozov, ainsi que le musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg..
Mikhaïl Morozov est mort le 24 octobre 1903 à l’âge de 33 ans à Moscou. Ivan Morozov est mort à l’âge de 49 ans le 21 juillet 1921 à Carlsbad ( Karlovy Vary) Tchéquie.
Très grande et belle exposition.
André-Michel Pouly
Un clin d’œil à un autre grand collectionneur et mécène : « The Barnes à Philadelphie « le paradis des impressionnistes, créée par Albert-C-Barnes, philanthrope solitaire, homme d’affaires de génie, chimiste passionné de peinture française ayant fait fortune avec la mise au point d’un antiseptique pour combattre les IST ( MST) à lire sur Lebruitduoff tribune.com : The Barnes foundation.