« MÖBIUS », SOMPTUEUX BALLET D’ACROBATES

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Möbius – Rachid Ouramdame et la Compagnie XY – La Villette Espace Chapiteaux, Paris – 3 au 28 novembre 2021

Pour son dernier spectacle Möbius, la compagnie d’acrobates XY, spécialiste de l’art du porté, s’est associée avec le chorégraphe contemporain Rachid Ouramdane. Dix-neuf artistes évoluent dans un mouvement perpétuel qui les voit enchainer pyramides humaines, lancers et porters. Aucune répétition à l’identique, les variations surenchérissent sur les exploits physiques. Certaines figures sont à couper le souffle. La fluidité de l’ensemble est remarquable, et le public familial applaudit à tout rompre ce spectacle original, où l’exigence de performance du cirque s’allie à une esthétique collective.

Au centre d’un dispositif quadri-frontal trône un immense tapis de sol. Les circassiens qui viennent l’occuper sont de tailles et morphologies diverses, vêtus de noir, unis par leur projet. Très vite ils s’organisent entre ceux qui portent et ceux qui sont portés, rôles qui s’échangent souvent. Avec près de vingt personnes sur le tapis, l’œil vole d’un groupe à l’autre. Les motifs sont répétés en décalé par chacun des groupes. Pyramides de deux humains, puis trois, cercles, chutes, escapades, retours, escalades à nouveau. Le mouvement ne s’arrête pas. La musique est un thème sous-jacent qui n’impose aucun rythme précis, le temps de la préparation physique des figures prime. La mélodie donne du liant, instaure un certain suspens mais c’est bien l’acrobatie qui prime. Il y a même des moments de silence pour certaines séquences.

La montée en puissance est graduelle : aux pyramides et lancers de deux personnes, puis trois, succèdent des pointes à quatre, voire à cinq personnes. Le public retient son souffle, les « ha » s’entendent, les applaudissements retentissent dès que la figure est passée. Voilà bien la différence majeure du cirque et de la danse : le premier fait de la prouesse physique l’objet principal de son activité, tandis que pour le second l’esthétique et le « sans effort » priment. Möbius se fraie avec un bonheur un chemin entre les deux.

Le spectateur finit par distinguer les silhouettes et les individualités, entre les figures légères souvent lancées au sommet des constructions humaines, les « piliers de pyramides », et les entre deux, hommes ou femmes, qui peuvent changer de rôle selon les figures. Les corps sont toujours en mouvement, les enchainements se font dans une course continue autour du tapis, les quelques rares pauses sont pensées, tenues par un ou deux artistes qui retiennent le mouvement en solo.

Dans son titre même, Möbius revendique cette boucle sans fin d’escalades et de vols planés, de courses et de chutes. L’ensemble est fluide, tenu. Il tient en haleine et donne toute ses lettres de noblesse à une discipline de cirque souvent isolée, l’acrobatie, en intégrant la fluidité d’une danse. Une belle réussite.

Emmanuelle Picard

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