
« Royan, la professeure de français » – Texte de Marie Ndiaye – Mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia – Théâtre de Villefranche sur Saône le 10 novembre 2021 et en tournée : Meaux, Luxembourg, Albi, Paris…
Sur un texte de Marie NDiaye, Frédéric Bélier-Garcia met en scène Nicole Garcia dans un spectacle intimiste et oppressant. Elle est cette professeure de français rentrant un soir chez elle et qui reste dans la cage d’escalier, pétrifiée de peur, persuadée que les parents d’une enfant qui s’est défenestrée dans son collège sont venus lui demander des comptes. Niant l’évidence d’une partie de responsabilité dans cette tragédie, la professeure va peu à peu remettre en question ses certitudes.
Nicole Garcia fait monter crescendo ses peurs et ses doutes. D’abord dans le déni, sur un ton condescendant et détaché, la comédienne se livre peu à peu à une autocritique pour enfin se rendre à l’évidence sur son inaction face à l’inévitable. Parents réellement présents ou pas ? Le doute subsiste tout au long de la pièce mais peu importe, le poids sur les épaules de cette professeure est si lourd à porter, le déni si profond, que la certitude de leur présence ou pas n’est pas l’enjeu, le fantôme et le souvenir de cette jeune fille semblent devenir les seules causes de ses tourments.
Sur une déco réaliste constituée d’un hall d’immeuble froid aux couleurs « orange année 70 », Nicole Garcia implique au fil de son jeu le public pour devenir son juge. D’un ton introspectif au départ la comédienne tend vers un jeu dans lequel elle demande l’assentiment du public, de la certitude aux doutes les plus sombres sur cette vie de tromperie. Bien que le texte emmène ce type de jeu, il est évident que Nicole Garcia met du temps à entrer complétement dans ce personnage à l’âme torturée. Ici, Marie NDaye s’adresse à chacun de nous au travers de cette femme, elle nous effleure de nos petites lâchetés. D’un destin singulier elle tire une fable universelle sur la volonté ou non de chacun d’affronter la réalité de ses actions et le poids de ses décisions. Un moment intimiste servi par un texte fin, une mise en scène efficace et une comédienne impliquée.
Pierre Salles
Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon