« DE LA SEXUALITE DES ORCHIDEES », LA FLEUR AU FUSIL

De la sexualité des orchidées - Sofia Teillet @Anna Basile 7

« De la sexualité des orchidées » – Mise en scène et texte : Sofia Teillet – Théâtre de la Croix rousse, Lyon, le 10 octobre 2021.

« Je dis une fleur et musicalement se lève » dit Mallarmé quelque part mais avec Sofia Cheillet sur la scène de la Croix-Rousse, ce n’est pas une fleur, pas n’importe laquelle, c’est l’orchidée, espèce rare qui nous paraît précieuse mais qu’on trouve pourtant partout à tout-va à vau-l’eau dans l’eau des vases et les rayons des supermarchés, sexe tendu à la face du monde, dans les bouquets et cheveux des mariées, sur nos tapisseries et noyée dans les ronds-points, projetée en énorme sur une toile blanche juste derrière, fleur outrageusement difforme, offerte un jour à Sofia avant qu’elle ne devienne notre Dame des Fleurs et dame aux orchidées, alors qu’elle avait pour cette espèce végétale un mépris infini, connu de tous tant elle se plaisait à le répéter, mépris avant le spectacle, avant qu’elle n’apprenne la date de naissance de ces fleurs bleues, violettes, fushias, il y a 83 millions d’années, avant qu’elle ne découvre les folles stratégies de ces superbes hermaphrodites mises en place pour survivre au projecteur, tombé sur la tête des dinosaures, qui a decimé beaucoup de lys dans la vallée mais pas elles, parce que les orchidées sont sexe tendu à la face du monde et feront des enfants.

Il y a donc ces explications scientifiques extrêmement claires et ludiques sur le mode de reproduction de nos orchidées, parfois déguisées en femmes-abeilles pour être confondues et fécondées, quand les insectes n’ont pas à être remplacés par nos doigts, mais il y a aussi ces digressions sur les baudroies abyssales ou les goélands, ces clins d’oeil, ces postures spontanées, symptomatiques d’une renaissance permanente du spectacle ; il se trouve en partie conduit par nos murmures ravis, le vocabulaire sexuel ne gêne pas, ou alors comme un genêt, les parallèles qu’on pourrait faire avec notre sexualité ou notre patriarcat restent en pointillés, et même si on espérait peut-être que le spectacle transcende les contours de la simple conférence, fasse un peu moins vidéo youtube de vulgarisation scientifique, prenne les allures d’un jardin où l’on pourrait crier, pleurer, chanter pour qu’il y ait quelque chose de plus que le cynisme bien sérieux et la fausse maladresse façon paul mirabel (orchidée avant d’être mirabelle), la comédienne auteure metteure en scène Sofia Teillet, sans que son féminisme ne fasse d’analogie extravagante (la fleur n’est pas femme, le “non” de la rose est un anthropomorphisme), n’est absolument pas avec son très beau spectacle à l’ombre des jeunes filles en fleurs, mais en pleine lumière pour les faire rire, réfléchir, s’extasier, applaudir, et je sens pour ma part que mon pistil ne trempe déjà plus dans l’eau de rose.

Célia Jaillet,
à Lyon

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