Bruxelles, correspondance
« LA BOMBE HUMAINE » – Nouvelle création de Eline Schumacher & Vincent Hennebicq – Théâtre National de Bruxelles jusqu’au 3/10/2021.
L’histoire en deux épisodes d’une rupture entre les hommes et la Terre :
Le décor sobre qui s’offre au public, semble n’être qu’une salle en désordre après la fête, le sol et le plafond parsemés de cotillons. Accompagnée de son clavier, la voie douce et mélodieuse d’Olivia raconte la nouvelle époque géologique et ses conséquences, un texte créé spécialement pour le spectacle, sublimé par le son du violoncelle aux mains de Marine. Immergés dans cette ambiance musicale et tamisée, les spectateurs sont d’ores et déjà pris par le début de la « Bombe humaine ». « Un langage scénique à part entière qui fait partie du processus créatif » ; « une constance » dans tous les spectacles d’Hennebicq.
Centre du plateau : au micro, Eline va raconter. Se raconter elle, mais aussi la création de ce spectacle aux côtés de Vincent, tous deux, mettant au cœur de la réflexion, le dérèglement climatique.
Loin des clichés de la culpabilisation ou du plombage de moral, les deux comédiens, co-auteurs, offrent deux podcasts emprunts d’humour décalé, de questionnement, de réflexions, de mise en lumière des contradictions et d’incohérences à travers les interviews réalisées tout au long d’une année auprès de politiciens, anthropologues, psychologues, scientifiques, ou tout simplement un vox populi dans la rue, avec nos « modes de vie alternatif ». Ainsi on y découvrira les commentaires du député européen écolo Philippe Lamberts, François Gemenne chercheur en géopolitique (tous deux interprétés brillamment par Vincent Hennebicq), la jeune militante Adelaïde Charlier, ou encore Rebecca Thissen, chargée en justice climatique et développement durable. Un travail d’imitation scrupuleuse de ces personnalités avec leurs gestes, rythmes, mouvements, respiration avec des outils théatraux minimaux pour mettre en valeur certains enjeux. On se sent proche d’un exercice d’observation d’un étudiant doué du conservatoire. Autant de témoignages et de prises de positions qui vont guider les deux comédiens tout au long de la création tout en y incluant les brides de leur propre intimité, leur vécu, leur vie.
Outre les deux musiciennes, on découvre un plateau avec une régie refaisant des dialogues en live, envoyant des sons, des extraits de rencontres, la cafeteria du Parlement européen ou celui de la gare du midi. Un spectacle en mode « work in progress », comme si les spectateurs assistaient réellement à sa création ; le fait est, qu’après un an de travail sur le sujet, Eline et Vincent, se retrouvent, comme toute la Planète, à vivre le confinement dû au COVID. Le spectacle est sans cesse reporté. S’ensuit la longue attente avant d’apercevoir le bout du tunnel. Si la création de « La bombe humaine » a débuté par un malentendu, comme le raconte sur scène les deux comédiens, il n’en est pas moins que le confinement forcé en a fait un spectacle réjouissant, intelligent et terriblement drôle malgré le sujet sérieux et désastreux du changement climatique. Le projet change et la proposition d’écrire ensemble s’imposent à Eline et Vincent donc, avec comme but, les faire réfléchir sur leurs « préoccupations singulières et communes » avec une série de règles : « Nous ne nous dirons jamais non (heu…) ; « nous serons sincères et bienveillants », « nous essaierons d’être un maximum co-responsables ».
Autant dire que le pari est réussi !
Excellente performance sur scène, Eline Schumacher, « comme le pilote, dit-elle, c’est souvent ce que je dis au téléphone quand on me demande d’épeler mon nom », « excitée à l’idée d’avoir un nouveau projet », « amoureuse de François et qui aime la viande mais essaie de faire attention », dont « le robinet goutte mais qui met une casserole en dessous pour récupérer l’eau le soir quand elle rentre pour faire bouillir ses pâtes ». Eline veut être co-responsable mais « aime les paillettes, ne mange pas des tomates en hiver, mais bien du Nutella ».
« Pas très cohérent tout ça » ? En tout cas, pas uniquement sombre, loin de culpabiliser, ce spectacle fait également rire tout en mettant en lumière les contradictions. Les projections des scientifiques, précise Hennebicq, nous renvoient à dans 100 ans, nous ne serons plus là, mais mon fils aura mon âge en 2050 ! Une claque lorsqu’on le réalise vraiment. Cela fait plus de 60 ans qu’on tire la sonnette d’alarme, l’éthique des responsabilités, c’est maintenant en construisant les choses autrement sans pour autant sombrer dans le dramatisme, poursuit-il. « Nous ne sommes pas là pour apporter des solutions, mais pour se questionner et pouvoir en débattre.
La Bombe Humaine, j’y vais et j’en parle autour de moi.
Julia Garlito Y Romo,
à Bruxelles
Mise en scène : Vincent Hennebicq / Textes de : Vincent Hennebicq & Eline Schumacher / Sur scène : Olivia Carrière (chant, clavier), Vincent Hennebicq, Marine Horbaczewski (violoncelle), Aurélie Perret, Eline Schumacher / Musique originale : Olivia Carrère & Marine Horbaczewski / Scénographie & Création lumière : Giacinto Caponio / Régie générale & lumières : aurélie Perret / Dramaturgie : Akiko Tagawashi / Assistanats : Aurélie Curti & Jennifer Rodriguez y Flores / Costumes : Emilie Jonet / Chargées de production & diffusion : Catherine Hance & Aurélie Curti / Production : Popi Jones ASBL – Création en saison 2020/2021 au Théâtre national Wallonie-Bruxelles