« MISTER TAMBOURINE MAN », UN THEÂTRE DE TRETEAUX MENE DE MAINS DE MAÎTRES

Mister Tambourine Man

75e FESTIVAL D’AVIGNON. « Mister Tambourine Man » – Texte : Eugène Durif – Mise en scène : Karelle Prugnaud – Avec : Nikolaus Holz et Denis Lavant – Spectacle itinérant du 6 au 24 juillet à 20h00 – Durée : 1h20

Saluons la bonne initiative du festival de programmer maintenant chaque année un spectacle itinérant qui rappelle qu’Avignon ne se limite pas à l’intra-muros et que la ville s’intègre dans une proche région d’une grande richesse patrimoniale et humaine pour qui veut bien la découvrir.

Nous voilà donc ce soir à Caumont-sur-Durance, place du Marché aux Raisins – un nom évocateur – pour la représentation de « Mister Tambourine Man », le spectacle itinérant de cette édition. La fièvre et la moiteur des rues d’Avignon sont loin et ce village rural apporte comme une bouffée d’oxygène. Le public paraît plutôt local avec des ados et des enfants du village, une occasion unique de rencontrer ainsi le Festival d’Avignon et peut-être de mettre le pied à l’étrier à de futurs amateurs de spectacles vivants. A ce titre, le spectacle de ce soir a tout pour séduire.

En s’inspirant librement du conte de Grimm « Le joueur de flûte de Hamelin », Karelle Prugnaud nous plonge dans un bistrot de Hamelin tenu par Niko, un serveur misanthrope et anxieux, obnubilé par la volonté d’être un serveur irréprochable au service de ses clients. Bistrot atypique et baroque où tout est de guingois, où Nikos attend les clients en jouant sur un piano bancal qui se balance curieusement. Puis, à grands coups de tambour, débarque Dan, un personnage extraordinaire, truculent, une sorte de vagabond homme-orchestre, un trimardeur qui a roulé sa bosse et qui recherche un peu de repos, qui joue de tous les instruments, qui fait chanter les cailloux de sa musette et qui déverse tout son ressentiment contre les hommes qui ont exploité ses talents d’amuseur, qui se sont joués de lui tout sa vie avec mépris. Après une méfiance réciproque, une étrange relation se noue entre ces deux hommes si différents, l’un aspire au repos après cette vie d’errance qui semble l’avoir marqué au fer rouge et aimerait devenir serveur, l’autre, attiré par cette vie d’aventure, rêve de partir pour une découverte poétique du monde.

Karelle Prugnaud nous offre ici un spectacle haut en couleurs et totalement déjanté, une magnifique rencontre entre deux géants du théâtre et du cirque qui s’en donnent à cœur joie, qui se livrent à nous corps et âmes, qui nous offrent une performance pleine de surprises oscillant entre la fantaisie la plus débridée et un univers poétique, philosophique, qui n’appartient qu’à eux.

Denis Lavant, ce fantastique acteur bien connu des spectateurs avignonnais, poète, circassien, marqué par la vie, d’une sensibilité à fleur de peau, incarne Dan et trouve là un rôle à sa mesure – ou à sa démesure. Il nous offre sans retenue toutes les facettes de son Art. Tour à tour clown, philosophe, poète, c’est un bouffon qui, au travers de sa colère et de ses pitreries, nous livre sa sombre vision du monde et assène des vérités qui font mal.

Le personnage de Niko, plus introverti et confiné dans l’univers étriqué de son bistrot, est interprété avec brio par Nikolaus Holtz, un extraordinaire circassien qui nous surprend sans cesse, qui semble savoir tout faire, qui déploie ses talents d’acteur, d’acrobate, de jongleur, de pianiste et de chanteur en interprétant d’admirables lieder sur un piano brinquebalant qui finit par s’effondrer. Nikolaus Holtz fait feu de tout bois, il déploie tous ses talents d’acrobate et d’équilibriste, joue avec des rats vivants qui évoquent le conte de Grimm et qui, pour Dan, valent sans doute mieux que les humains.

Ces deux exclus de la vie, interprétés par ces deux formidables acteurs, au travers du texte à la fois humoristique et caustique d’Eugène Durif et de la mise en scène créative et déjantée de Karelle Prugnaud, nous offrent un spectacle jubilatoire, surprenant, où le comique se mêle à l’émotion. Un spectacle total et une belle aventure pour ces deux fous de scène !

Jean-Louis Blanc

Mister Tambourine Man 2

Photos Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

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