CRITIQUE. « Merteuil, Variation », d’après « Quartett » d’Heiner Müller. Palimpseste des « Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos – Mise en scène : Jean-François Matignon – Acteur : David Arribe – Theâtre des Carmes, Avignon – 30 et 31 octobre 2020 à 19 h.
Propos : Merteuil et Valmont ont vieillis mais leur terrain de jeu demeure l’érotisme. Frissons des identités mouvantes, obsession de la jouissance, angoisse du temps qui passe. Sur scène ; dans un décor sobre une silhouette androgyne ôte son masque ( chirurgical ), chausse des escarpins rouges vifs, arpente la scène d’un pas nonchalant, et en quelques poses maniérées impose le personnage de Merteuil/Valmont.
Merteuil est seule en scène et dialogue avec Valmont un ancien amant qui l’a délaissée. La passion est encore là : « Mais pourquoi s’occuper encore d’un bonheur qui ne peut revenir. » Elle joue avec les sentiments que Valmont, jadis, a eu pour elle. Sincère sur leur relation elle prend plaisir en une forme érotique de la haine à le faire souffrir, mais aussi de jouir de sa chair et de son machiavélisme. « Dans le temps où nous nous aimions…. » Elle use de son pouvoir ; elle est contre les sentiments : pour elle ça n’est pas un jeu. C’est le plaisir de sa supériorité. Elle veut dominer les hommes. Elle refuse sa condition de femme. Tout comme elle exècre l’amour
Merteuil est dominée par la vengeance, ses propos sont autant de flèches acérées pour anéantir Vermont.
Son libertinage n’est pas un jeu. C’est sa création ( elle croit avoir elle-même créé, toléré, flatté, masqué, manipulé ). Le vicomte de Valmont est sûr de son pouvoir de séduction. Il s’en flatte et s’aperçoit un peu tard de son erreur. Il essaie de revenir à nouveau l’amant de la marquise de Merteuil. Valmont n’arrive pas à avoir ce qu’il veut. Il est défait par les diatribes de la marquise. Sa morale en prend un coup. Il doit se soumettre aux manipulations et autres épreuves de Merteuil qui va convaincre Valmont de lui prouver qu’elle est sa préférée.
David Arribe devient l’instrument d’une parole mortifère et incarne alternativement la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont dans le jeu de l’érotisme pervers. Son jeu subtil permet d’accroître la tension et d’accentuer son engagement pour donner corps aux dialogues.
A ce jeu là les anciens amants ne se retrouvent-ils pas seuls ?
Ne s’affrontent-ils pas dans un jeu de pouvoir destructeur ?
André Michel Pouly