WAJDI MOUAWAD ET LE DECLIN D’UN ARTISTE POPULAIRE

CRITIQUE. « Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge » de Wajdi Mouawad et Arthur H – Théâtre des Salins – Martigues.

C’est par le fruit de la rencontre de deux conteurs qu’a été créé ce spectacle à « La Colline » en 2019. Curieux l’un de l’autre, le metteur en scène Wajdi Mouawad et le chanteur Arthur H ont imaginé ce spectacle
miroir donnant au public l’accès aux coulisses de la vie d’un chanteur sur le déclin.

Arthur H interprète Alice, chanteur flirtant avec la cinquantaine, bourré de désillusions et de lassitude qui, au lendemain d’un concert, se fait assassiner par un critique Rock (parfait Lionel Abelanski). Alice et son ancien manager vont alors imaginer la mise en scène de sa mort, pouvant ainsi dénoncer l’absurdité du système. Dans une sorte de bric-à-brac ludique et parfois loufoque, Wajdi Mouawad et Arthur H, au gré de l’enchaînement des scènes, dressent avec beaucoup de clins d’œil à la profession, un monde des coulisses acide et truculent.

Du critique à l’écriture pleine de fiel et retournant sa veste au fil des évènements à la fan québécoise complétement déjantée, il est difficile de ne pas se laisser entraîner avec eux dans ce petit délire théâtral.

Malgré quelques points un peu trop faciles, comme ces piques envers la profession – qui, format oblige, ne vont pas plus loin que la simple dénonciation d’un système établi, du pouvoir du fric et la perte des idéaux, comment ne pas se laisser emporter par ces scènes franchement hilarantes, en particulier au travers de la comédienne Marie-Josée Bastien dont toutes les apparitions sont en soi des pépites ou par ces instants oscillant entre poésie et Grand-Guignol dans lesquels Arthur H excelle ? On peut regretter par ci par là une diction frisant la tragédie qui ne sied forcément pas à ce type de spectacle et d’écriture. Dommage de ne pas avoir su rectifier le tir au cours de cette tournée.

Dans cette longue épopée sous forme de résurrection, les deux créateurs ont su insuffler à la pièce leur propre univers sans que l’un étouffe l’autre, laissant à chacun assez d’espace et de liberté tout en
permettant une rencontre artistique équilibrée. On connaissait Arthur H au travers de ses chansons, on peut enfin le découvrir dans un autre registre où il ne perd rien de sa poésie et de sa singularité. Entourés
et épaulés par un ensemble de comédiens convaincants, Wajdi Mouawad et Arthur H ont su créer cette folie douce qui aurait cependant pu éviter dans les derniers instants un pathos ne s’avérant pas franchement indispensable.

Une pièce, qui, même si elle est loin d’avoir le souffle de certains spectacles de Wajdi Mouawad, permet de découvrir un Arthur H plus que convaincant dans ce rôle de désabusé et dans cette quête du bonheur et de l’altruisme enfin retrouvés.

Pierre Salles

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