CRITIQUE. Thomas Lebrun – “Ils n’ont rien vu” – Théâtre national de Chaillot du 5 au 11 mars 2020, Salle Gemier.
Thomas Lebrun adore les petites mamies, surtout celles qu’il a rencontrées lorsqu’il est allé au Japon pour travailler sur le sujet de son spectacle : la catastrophe d’Hiroshima, vu par le prisme du roman de Marguerite Duras.
La sienne de Mamie, tous les jours ou presque développait son empathie en lui parlant quotidiennement de la Shoah et d’Hiroshima. Du coup sentant le moment venu, il est parti au Japon, pour se nourrir de la réalité de cette catastrophe. La bombe à Hiroshima avait tout réduit en cendres en une seconde et même les photos prises juste après l’explosion s’auto-détruisaient, alors Thomas Lebrun a travaillé sur des souvenirs, puisqu’il n’a eu accès qu’aux récits racontés longtemps après coup, aux dessins qui ont été faits par ceux qui ne souhaitaient pas raconter autrement et d’où il a directement tiré sa chorégraphie.
Il a amassé les éléments d’un Japon traditionnel, de papier et de tissus, origami, kimonos, éventails et boro, tissu traditionnel fait de l’assemblage d’une multitude de pièces, autant de nuances de bleu et de vert, symbolisant une fois au sol le Japon agricole des rizières.
Voilà tout les éléments du spectacle, qui on ete rassemblés, transformés digérés et restitués pour parler avec des couleurs et des matières chatoyantes d’une catastrophe épouvantable.
Il paraît que ce spectacle n’est pas pour les Japonais qui risqueraient d’être offensés par le traitement qu’on réserve à leurs coutumes, aux significations du moindre bout de tissu à la symbolique très forte. Mais qu’importe l’évocation du drame est parlante, Thomas Lebrun à ramené à lui ces ingrédients sans être trop violent, et on entend et on reçoit “ils n’ont rien vu” comme un plaidoyer contre l’horreur de la guerre qui raconte avec douceur et délicatesse, avec neuf danseurs et du tissu, sans pathos : plus jamais ça, plus jamais ça ne doit se passer jamais.
Un voyage douloureux et sensible au pays des mille grues.
Claire Denieul
vu Le 9/03/2020
Photo Frédéric Lovino