CRITIQUE. « CERISE SUR LE GHETTO » – Texte & jeu de Sam Touzani / Mise en scène & dramaturgie : Gennaro Pitisci, assisté de Maïté Renson – Espace Magh – Bruxelles – jusqu’au 06/03/2020.
Nous sommes dans les montagnes du Rif marocain. La misère y règne en maîtresse, manque de nourriture, absence de travail…; « même les enfants » rêvent de s’enfuir. Sam Touzani raconte l’histoire de son grand-père puis celle de son père qui, à l’âge de 12 ans, est obligé de quitter sa famille et son village. Il traverse différentes épreuves et dangers pour finir par se retrouver à Bruxelles, dans les quartiers de Molenbeek où Sam verra le jour. Les conditions ne sont pas toujours faciles, mais le frigo, au moins, est toujours plein. De sa mère, il évoque son courage, sa témérité face à la corruption de l’administration marocaine. Le courage de dire non devient dès lors le pouvoir d’une forme de liberté. Il révèle la source de ses goûts artistiques, l’envie qui l’a mené à être un artiste reconnu aujourd’hui. Après la nuit, il y a le jour, et puis, la vie !
Mais au-delà de son histoire familiale, de l’entre deux cultures et de son moi intérieur que Sam Touzani exprime avec un certain humour, le comédien met l’accent sur les difficultés des migrants de tout temps. Il crie sa solidarité et souligne leur extraordinaire courage.
Si son entrée en scène promet, on est un peu déçu par la suite. Malgré un texte fort, empreint de tendresse et d’une certaine sagesse, habitué à ses excellentes prestations dans d’autres spectacles, on regrette un peu certaines parties sur-jouées. Lorsque Sam Touzani est lui en toute simplicité, naturel, il brille sur scène.
À souligner : sa façon d’exprimer ce qu’il pense sans tabous, admirable !
Mise en scène: Gennaro Pitisci (assisté par Maïté Renson) crée une belle mise en scène à la fois sobre et surprenante. De quoi attirer l’attention du public. Sur la spacieuse scène de l’Espace Magh, une estrade surélevée, barrée par un rideau blanc translucide, fait deviner une table de mixage. Derrière la table le musicien Mathieu Gabriel va faire vibrer la salle aux sons musicaux divers et entraînants, accentués par le son de sa propre voix. Devant, plus bas sur la scène, Sam Touzani se retrouve devant différents endroits, comme par exemple une église que l’on devine à travers des jeux de lumières projetés sur le rideau, agrémentés parfois de quelques images vidéos.
Gennaro Pitisci qu’on aime suivre, souvenez-vous le BDO Tribune avait aimé : « Les enfants de Dom Juan ». Son talent laisse son empreinte dans bien d’autres spectacles comme : « La civilisation, ma mère ! », « Je l’aime, un peu, beaucoup… » ou encore « Sainte Fatima de Molem », pour ne citer que ceux-là.
Le saviez-vous ?
L’Espace Magh est un centre culturel dont l’objectif est de promouvoir les cultures du Maghreb et de la Méditerranée tout en portant une attention particulière aux cultures dites minoritaires. Une particularité intéressante dans le sens où ils sont à l’écoute des artistes issus des immigrations, aux cultures dites minoritaires, que l’équipe de l’Espace Magh estime « trop souvent méconnus ». Ainsi « ils agissent comme une chambre d’écho pour un certain nombre d’auteurs du Sud ou d’ailleurs, étonnants autant qu’ignorés, qui n’ont pas trouvé asile ailleurs ».
Julia Garlito Y Romo
Musicien : Mathieu Gabriel / Régie : Josse Debraix, David Vernaillen & Simon Benita / vidéos : Guillaume Nolevaux / Photos et communication : Maïté Renson. Coproduction : Brocoli Théâtre, Les Temps d’Art, Espace Magh, Central et l’Atelier théâtre Jean Vilar.