CRITIQUE. « La Dame blanche » – de François-Adrien Boieldieu – livret d’Eugène Scribe d’après Walter Scott – créé à l’Opéra Comique en 1825 – mes Pauline Bureau – Direction musicale Julien Leroy – Opéra comique, Paris, du 20 février au 1er mars 2020.
Drôle d’idée de monter en 2020 « la Dame Blanche » de François-Adrien Boieldieu , compositeur obscur du 19ème pour les néophytes. Certes ce chef-d’œuvre était resté plus d’un siècle (1825 1925) à l’affiche mais tomba dans l’oubli dès la disparition de son auteur.
L’intrigue, à la limite du drame bourgeois, avec une sage histoire de revenant, n’offre pas beaucoup de péripéties. L’action se situe en Ecosse, lieu favori de tous les succubes, mais pour nous spectateur de l’opéra comique ce 29 février 2020, elle restera ancrée sur le plancher du même lieu, très bel édifice au demeurant.
Donc rien de révolutionnaire, des hommes en kilt, des femmes avec des larges jupes et des grandes perruques d’opéra, un decor tout de même assez imposant et quelques artifices de scène liés à l’apparition furtive et spontanée de feux follets. Pas de quoi vous prendre à la gorge au premier abord, d’ailleurs le public qui hue à moitié l’équipe des régisseurs venue en début le spectacle lire un texte contre le 49/3 et la réforme des retraites, ne semble pas désirer de gestes artistiques particulièrement ébouriffants, et ne veut pas entendre parler d’actualité.
Donc on s’attend au pire. Un pire magistralement exécuté par des grands professionnels de la musique et du spectacle vivant, mais fleurant bon un classique ravageur.
Mais non, c’est là qu’intervient le talent de Pauline Bureau, de Julien Leroy, et des excellents interprètes principaux de cet opéra, dont. Philippe Talbot, Jérôme Boutillier, dont le timbre grave et profond provoquera frissons et bien-être intérieur et surtout Elsa Benoit à la voix puissante et fine, irisant nos oreilles d’aigus transparents, et au jeu complètement investi, comme font les enfants, dans une histoire improbable à la limite des intrigues du guignol lyonnais.
Les détails de mise en scène suffisent à rendre l’histoire crédible et cocasse, presque rafraîchissante, et le happy end pressenti dès le début transforme cet opéra légèrement pompier en une histoire heureuse, avec comme point d’orgue la vente au enchère du château, et un zeste de surnaturel dû à l’apparition filmée de la Dame Blanche sur des décors figurant la lande.
Point de mort, de malheureux, les amoureux sont réunis, le méchant a perdu et autour d’eux les tableau de la grande demeure bourgeoise regorgent de figures d’enfants et de couples au sein d’une nature très verte pleine de pluie et de sapins, qui pourraient tout aussi bien être du côté du Territoire de Belfort oo dans les Ardennes.
Enfin tout cela reste très mesuré, volontairement maintenu dans une dimension comique presque quotidienne, rondement mené par la musique pour une histoire sans problèmes ni prise de tête. Reposant et réjouissant somme toute, avec le plaisir sans mélange pour qui aime l’opéra d’entendre une musique et des chanteurs de très grand talent, au sein d’une production cossue et très professionnelle.
Claire Denieul
Photo Christophe Raynaud de Lage