« LE CHANT DES RUINES » : LA SOCIETE EN PLEIN CHAOS DE MICHELE NOIRET

ChantDesRuines_003©SergineLaloux_spectacle-655x367-color

CRITIQUE. Le chant des ruines – Conception et mise en scène : Michèle Noiret – Chorégraphie : Michèle Noiret, David Drouard – Interprétation et création : Alexandre Bachelard, Harris Gkekas, Liza Penkova, Sara Tan, Denis Terrasse – Théâtre National Bruxelles, du 18 au 22 février 2020.

Cinq danseurs sur scène. Ils vont nous entraîner dans le tourbillon de la condition humaine du XXIème siècle à travers une série de scènes poétiques, dramatiques, émouvantes. Michèle Noiret, avec la complicité de David Drouard, parvient à rendre la discontinuité de notre vie en réinventant l’écriture chorégraphique : danse, cinéma et musique se mêlent pour donner à voir cette société, dans laquelle nous vivons, en plein chaos. « L’espace de notre vie n’est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble ? On sent confusément des fissures, des hiatus, des points de friction, on a parfois la vague impression que ça se coince quelque part, ou que ça éclate, ou que ça cogne. ». C’est à partir de cette citation de Georges Perec que Michèle Noiret illustre le périple dans lequel s’engouffrent cinq personnages.

L’écriture est volontairement déconstruite, les scènes discontinues, et pourtant nous sommes séduits par les aventures de ces personnages. Le lien, ténu, est tout d’abord créé par la musique. Au milieu du grésillement et du fracas, tout d’un coup ledesigner sonore, Todor Todoroff, invite la musique pop dans le spectacle, comme le Beau Danube bleu ou l’extraordinaire solo de Sara Tan sur Back to Black d’Amy Winehouse en playback. La pop culture apparaît ici comme un signe fragile qui nous unit. Moment de grâce.

Autre réussite de Michèle Noiret : l’incursion de l’humour dans ce « chant des ruines ». Au moment où tout parait fini, dévasté. Sara Tan, encore elle, prend la parole, avec la voix d’un robot ou d’une créature, et nous propose avec humour son « Guide de survie au XXIe siècle », celui qui va nous permettre de nous en sortir. Magnifique trouvaille scénique, qui permet d’ôter d’un coup d’un seul la tension dramatique et d’ajouter cet autre élément dédramatisant, après la musique.

Enfin, l’utilisation des matériaux pour construire des espaces malléables, facilement modulables, avec la complicité des corps des danseurs, se prête à toutes les métamorphoses. Moment particulièrement beau ; quand les personnages se servent de ces planches pour faire rouler, dans les débris de feuilles, le corps souple et inerte de Sara Tan, toujours elle. Est-on autre chose qu’une feuille de passage sur cette terre, roulée au gré des événements de la vie ?

Magnifique spectacle. On regrettera juste l’ultime tableau, qui manque peut-être de force au sein d’une œuvre remarquable de pureté et de justesse, et qui ne tombe jamais dans le mélo ni dans le pathos. Il est bon de vivre au XXIème siècle aux côtés de Michèle Noiret.

Colombe Warin

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