CRITIQUE. « First trip » – mes : Katia Ferreira – texte : « Virgin suicides » de Jeffrey Eugnides – au Théâtre des Salins à Martigues le 14 février 2020 à 20h30.
La jeune metteuse en scène Katia Ferreira crée le collectif « la carte blanche », composé en grande partie par ses camarades de promotions de l’ENSAD de Montpellier, c’est d’ailleurs dans cette ville au printemps des comédiens, qu’elle sera le plus souvent présente dans différentes fonctions comme celle de comédienne, assistante de projet ou encore régisseuse costumes. Une première étape de son travail sur « First Trip » est présentée dans ce festival montpelliérain au mois de juin dernier, pour ensuite partir en tournée. C’est sur la scène nationale de Martigues que se joue l’intégralité du spectacle.
Les époux Lisbon vivent dans le petit village de Grosse Pointe près de Détroit dans le Michigan dans les années 70. Le père est professeur de mathématiques au lycée, sa femme est mère au foyer et élève leurs cinq filles. Cécilia la plus jeune de ses filles fera une première tentative de suicide en s’ouvrant les veines dans sa baignoire puis mettra fin à ses jours en se défenestrant pendant une soirée organisée dans la maison familiale. La mort de leur sœur cadette sonnera le début de la déchéance pour les quatre sœurs restantes.
Déscolarisation, impossibilité de sortir du nid familial et rupture de tout contact avec leurs amis, entraineront les quatre sœurs également vers le suicide. L’enquête trop vite expédiée à l’époque des faits conduira à qualifier l’origine de ces suicides en simple « détresse d’adolescence ». Vingt-cinq ans plus tard, quatre jeunes garçons jadis amis et amoureux des filles Lisbon au moment des faits, entreprennent de vraies recherches pour essayer de comprendre ces passages à l’acte.
L’auteur du texte « Virgin suicides » choisit la voix des garçons alors adultes pour seuls narrateurs. Ils constituront un assemblage de leurs observations d’adolescents avec leurs investigations, rapports médicaux-légaux, confessions de l’entourage, afin d’apporter des réponses à leur questionnement. La mise en scène s’échafaude alors autour de ces quatre narrateurs racontant tour à tour leurs visions et ressentis des événements auxquels ils ont participé. Leurs propos sont soutenus par des scènes jouées par d’autres comédiens, des vidéos d’archives ou encore par la caméra mobile qui permet de faire des gros plans projetés sur un grand écran. Cette alternance employée durant la pièce pour appuyer la parole des narrateurs ne sert bien malheureusement pour le public qu’à renfoncer l’hermétisme de la mise en scène. La constante stimulation auditive et visuelle étouffe le spectateur qui fini par se perdre dans le récit.
L’absence totale d’émotions des scènes jouées par la famille Lisbon et la mauvaise diction de certains narrateurs accentuent la perte d’attention tandis que la narration, parfois décalée de l’action, ajoute encore à la confusion des spectateurs. Rares sont les quelques passages qui donnent à espérer un décollage imminent de la pièce sans jamais y parvenir. Dommage pour un tel sujet.
Béatrice Stopin
Photo Pascale Cholette