CRITIQUE. « Roi du silence » – De et par Geoffrey Rouge-Carrassat – mes Emmanuel Besnault – Aux Déchargeurs, Paris, du 4 au 22 février 2020, du mardi au samedi à 21h.
Il faut aller découvrir l’univers bouillonnant de Geoffrey Rouge-Carrassat. Il a une présence et une allure singulière qui captent dès les premières minutes. Il possède une plume incisive, moderne et crue pour partager ses émotions et dégage une énergie scénique qui mérite le détour.
Après « Conseil de classe », un spectacle qui avait fait parler de lui au festival Off d’Avignon en 2018, il revient avec une nouvelle création tout aussi personnelle.
Dans « Roi du silence », l’auteur/comédien a des comptes à rendre avec sa mère. Après 15 ans d’un douloureux silence, le jeune homme qui se présente sur scène, est bien décidé à le briser. Dans un face à face détonnant avec « les cendres » de sa mère, il lâche tout ce qu’il n’a pu lui dire adolescent. Souvent cinglant, parfois à fleur de peau ou enflammé, Geoffrey se met à nu pour parler de son désir pour les hommes, des effets dévastateurs de la bien-pensance, de ses efforts pour plaire, de la difficile acceptation de soi, de la frustration, de la honte et de ses pulsions aussi, qui l’envahissent face à ce voisin qui l’obsède. La langue est piquante, l’émotion vraie et l’effet cathartique.
Ici, aucun artifice. Le décor est sobre, une table, un fauteuil, une couronne funéraire. L’ambiance sonore est produite sur scène avec des couvercles de casseroles. Toute l’intensité se joue sur l’énergie physique et la richesse de la palette de jeu du comédien. Geoffrey Rouge-Carrassat explore ses émotions, recherche le dépassement, est dans la performance. La scène semble aborder par lui, comme un défi.
Alors oui, c’est parfois décousu, ça manque peut-être un peu de structure, mais on lui pardonne aisément. C’est qu’il a tellement à en dire après ces années de silence, que les mots et les émotions débordent inévitablement. Et il faut bien dire que c’est fascinant d’avoir un comédien qui s’offre littéralement à la scène, nous exposant une vraie part de lui-même. Cela produit certains tableaux de lâcher-prise saisissants qui n’auraient peut-être pas vu le jour si tout était trop maîtrisé.
Marie Velter
Photo Emmanuel Besnault