CRITIQUE. « LES ATRIDES » (ou le sang des Atrides) – d’après Eschyle, Euripide, Sénèque et Sophocle – Mise en scène et adaptation de Georges Lini – Théâtre Royal Du Parc – Bruxelles – jusqu’au 15/02/2020.
La révolte d’une femme.
Dans un splendide décor, rendu encore plus impressionnant par la scène du Théâtre Royal du Parc, Georges Lini signe une nouvelle fois un magnifique spectacle : « LES ATRIDES ». Entre les limbes, parmi les arbres, ou dans l’eau, deux gradins sont placés de part et d’autre de la scène. Des spectateurs y sont installés et regardent impuissants le drame qui s’y déroule. Tels les mortels face aux Dieux de la Grèce antique.
Agamemnon, Roi de Mycènes, membre de la famille maudite des Atrides (fils du roi Atrée et de la reine Erope, et descendant de Tantale, fils de Zeus) est père de trois filles : Iphigénie, Chrysothémis, Électre et d’un garçon : Oreste. L’ayant forcé à s’unir à lui, son épouse, Clytemnestre, n’est pas heureuse en couple, mais elle le respecte et lui obéit comme se doit de le faire une femme à cette époque.
Désigné par son frère Mélénas, époux de l’infidèle Hélène (demi-sœur de Chrysothémis) pour mener l’expédition contre Troie, Agamemnon assume le commandement de l’armée achéenne. Considéré comme le plus grand Roi de Grèce, notamment grâce à son immense fortune, il a, sous ses ordres, une centaine de vaisseaux. Le Roi offense la Déesse Artémis en prétendant être meilleur chasseur qu’elle. Cette dernière arrête les vents et les embarcations sont immobilisées dans le port d’Aulis. Pour que l’expédition guerrière puisse avoir lieu, un Devin annonce alors au roi que, pour apaiser la colère d’Artémis, il faut un sacrifice humain, et pas n’importe lequel, celui de la fille même d’Agamemnon, Iphigénie !
Bien que torturé, le roi consent et, prétextant le mariage d’Iphigénie avec Achille, la fait appeler. Loin d’imaginer ce qui l’attend, elle arrive accompagnée de sa mère Chrysothémis.
Égisthe, cousin du roi, informe la reine du drame qui se prépare. Elle supplie son mari, se révolte, crie à l’injustice, mais rien n’y fait, Iphigénie est sacrifiée.
Les vents se lèvent, la flotte est prête à partir, le roi à bord, et la guerre de Troie a lieu.
Dix années s’écoulent avant qu’Agamemnon ne retourne à Mycènes. Années durant lesquelles Chrysothémis prend comme amant le cousin du roi, Égisthe, tout en murissant sa vengeance, incapable d’apaiser la douleur pour la perte d’Iphigénie.
Aidée de son amant, le roi est assassiné.
Dans l’attente du retour de son frère Oreste, durant les sept années qui suivent, c’est Électre, fille d’Agamemnon, qui muri la vengeance contre sa mère et son amant.
Quelle sera l’issue de cette terrible tragédie en mode contemporaine ? À découvrir au Théâtre Royal du Parc jusqu’au 15 février 2020.
Mise en scène et Adaptation : Lini fait fort. Choix excellent pour les comédiens, particulièrement trois d’entre eux : Daphné D’Heur dans la peau de Clytemnestre, Itsik Elbaz dans le rôle d’Agamemnon et François Sauveur à la fois le chœur et musicien. Ils crèvent littéralement la scène et portent, sans aucun doute, la création de Lini au plus haut.
Pour ce génie de la mise en scène, « Les Atride »s est une façon « d’ancrer l’œuvre dans notre époque et de l’ouvrir à l’universalité, de parler à travers ces classiques, de nos contemporains à nos contemporains, du neuf avec ce qui ne l’est pas ». « Un cynime propre à notre éposque où, dans les hautes sphères du pouvoir, les crimes en col blanc se disent être nécessaires et sont commis ça et là en toute impunité ». Et de questionner : « Sommes-nous meilleur aujourd’hui ? ». La difficulté de la femme à s’exprimer ou à faire valoir ses droits et ses opinions dans un univers totalement patriarcal, est mis en évidence à travers Chrysothémis. Son geste meurtrier est totalement incompris, alors que celui de la sentence d’Agamemnon envers sa fille passe pour de la normalité. Les cris et les pleurs d’Iphigénie font écho au vide, sans possibilité de se défendre, sa résistance se soumet à la fatalité.
« Si le plus grand théâtre d’Athènes de l’époque, le Théâtre de Dionysios, divertissait le peuple, il avait également pour but d’amener chez les spectateurs une pensée critique sur l’époque et sur les valeurs morales de l’État » : On peut dire, ici, de nos jours, et au théâtre Royal du Parc, que Georges Lini (comme toujours avec ses créations contemporaines issues des légendes de la Grèce antique et autres) non seulement divertit, mais marque assurément les esprits, pousse à la réflexion et au questionnement. Son habileté à démontrer que les temps n’ont finalement pas changés est remarquable : il suffit de modifier dans notre vision du spectacle les rôles et les personnages pour les actualiser : la violence et la haine restent malheureusement éternels. Mélanger le classique aux idées nouvelles, l’ancien et le contemporain, Lini le réussit haut la main.
La saison du Théâtre Royal du Parc
Pour cette saison, Thierry Debroux, propose trois grands personnages féminins « qui nous interrogent sur la condition de la femme et leur souffrance dans une société patriarcale » (Les Caprices de Marianne, la Maison de poupée, et, les Atrides avec la reine Clytemnestre).
Les Atrides, ou la famille maudite : j’y vais
Julia Garlito Y Romo
à Bruxelles
Les comédiens : Pierre CONSTANT (Musicien), Daphné D’HEUR (Clytemnestre), Inès DUBUISSON (Électre), Itsik ELBAZ (Agamemnon), Stéphane FENOCCHI (Égisthe et le vieillard), Wendy PIETTE (Iphigénie et Chrysothémis), François SAUVEUR (le Chœur et Musicien), Léopold TERLINDEN (Pylade et le Messager) et Félix VANNOORENBERGHE (Oreste).