CRITIQUE. « Dieu le père » de et avec Roda Fawaz / Mise en scène Pietro Pizzuti. Jusqu’au 25 janvier au Théâtre de Poche (Bruxelles). Du 28 janvier au 2 février à la Vénerie / Espace Delvaux (Watermael-Boitsfort).
Diable, comment en arrive t-on là? Croire que si nous mangeons, buvons, dormons, sautons, courons, crions, chantons, c’est grâce à Allah; croire qu’une femme en mini-jupe, forcément c’est pour déplaire à Dieu, croire qu’appeler son enfant Bryan au lieu de Mohamed pourrait porter malheur… Comment est ce possible?
Le petit garçon Roda n’en peut plus de ce Dieu omniprésent dans son cocon familial. Il lui prend tout: père, mère et impose ses règles.
Les nerfs à vif, le coeur plein de rage, la voix grave, on s’imagine parfois qu’il aimerait en découdre, mais se garde, se contrôle. Pas de fatwa!! Non, ce soir du vendredi 10 janvier au théâtre de Poche, Roda parle à Allah via son smartphone calmement mais avec fermeté,: « Tu veux garder ma mère pour toi seul hein!!! ? » lui lance t-il au milieu d’une conversation. Ce qui est convenu comme échange entre lui et Dieu vire parfois à la négociation, : l’achat d’une nouvelle paire de baskets contre quelques séances de prières par exemple. Né au Maroc de parents libanais, ayant grandi en Guinée, l’acteur raconte l’incompréhension du petit garçon qu’il était, les nombreuses conquêtes de son père, la détresse de sa mère abandonnée, le salon de beauté créée par sa mère
A l’heure où les discussions sur le voile islamique provoquent des crispations, entre autres débats sur la place des femmes dans la société, « Dieu le père », le nouveau spectacle de Roda Fawaz questionne, interpelle «Ma mère, si elle ne va pas au paradis, c’est que le paradis n’existe pas … Dieu est un homme. C’est certain. Seul un homme peut procréer avec autant de légèreté, puis abandonner ses enfants »
Si le spectacle brille par sa thématique du fait de l’actualité, on note cependant son côté one man show marqué: costume de cabaret, éclairage. Un parti pris assumé.. On regrette quelque peu l’absence de modestie et le peu d’effacement dans la dramaturgie. Mention spéciale à la musique.
Dominique Bela
Equipe artistique:
Roda Fawaz est un auteur, comédien belge d’origine libanaise. Il a joué « Lettres ouvertes aux fanatiques » de Raphael-Karim Djavani. « Le Black, l’arabe et la femme blanche », « On The Road..a » mis en scène par Eric De Staercke, prix de la critique de la meilleure découverte en 2016.
Pietro Pizzuti metteur en scène de « Dieu le père ». Auteur de « Les ailes de la nuit », « Leonardo ou le souci de l’éphémère », « la résistance ». etc