CRITIQUE. « Je crois que dehors c’est le printemps », Gaia Saitta, Giorgio Barberio Corsetti /Concita De Gregorio, dans le cadre du Festival des Arts de Bordeaux, Le Galet de Pessac le 15 octobre.
La scène se peuple d’une demi-douzaine de membres du public invitée par l’actrice comme pour un repas entre amis. Ils seront les témoins, les répliques, les auditeurs… Au fil de la pièce d’autres membres du public seront captés par la caméra (avec leur accord) pour figurer sur l’écran ou l’avant-scène. C’est l’histoire vraie d’une vie et d’un drame – je n’aime pas le terme « fait divers », je lui préfèrerais « sorcière d’automne » à choisir – qui est restituée ici : une femme, Irina, dont l’ex-mari assassine les jumelles et se donne la mort. Rien ne laissait présager les actes de cet homme.
La douleur et le questionnement – les corps des fillettes n’ont jamais été retrouvés – sont le quotidien d’Irina qui tente de faire bouger les psychologues, les enquêteurs, le procureur, tous ceux qui se trouvent engagés professionnellement dans cette affaire sombre, à la sentence déjà prononcée et exécutée par le coupable lui-même.
Tenter de comprendre comment et où se sont envolées les vies de ses enfants, quel lieu abrite leurs petits corps – dans l’eau, pense Irina. Pourquoi cet acte de folie ?
Autant de questions sans réponse, tant de douleur sans alternative. Quasiment ignorée dans sa quête de vérité, la maman réalise que sa seule solution est d’accepter que la vie continue.
La présence flamboyante de Gaia Saitta et la maîtrise de son Art nous transportent dans le passé de cette femme et nous offrent un grand moment d’empathie sans jamais sombrer dans le pathos ou l’émotion facile. Bouleversante et toujours prévenante quant au public, Gaia fait et défait les éléments du quotidien, de l’avant et de l’après drame, par de brèves mises en place qui nous permettent de reprendre pied dans notre propre ressenti, dans le tumulte d’émotions qui affluent en nous. Les visages ainsi que des éléments symboliques précédemment disposés, captés par la caméra et projetés sur deux écrans distincts et non invasifs, interagissent de manière subtile avec le texte, apportant l’espoir par l’amour et la compassion.
Il s’agit bien d’une histoire d’Amour : celui d’un homme et d’une femme, toujours le renouveau passe par cette porte-ci, comme un message Universel qui dirait que dehors, c’est éternellement le printemps.
Daniel Millo