« LE CASQUE ET L’ENCLUME », 68, QUAND TU NOUS TIENS

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CRITIQUE. « Le casque et l’enclume » – écrit, interprété et mis en scène par : Cyril Cotinaut et Sébastien Davis – Scène Nationale de Cavaillon : La Garance – programmation Nomade(s) à Châteauneuf de Gadagne – le 17 octobre 2019 à 20h30.

Les deux protagonistes, déjà présent sur scène, accueillent le public assis dans un coin. Quand tout le monde a pris place, l’un d’eux questionne le public sur leur âge, leur profession et où ils étaient en 1968. S’adressant ensuite aux techniciens tout en allumant une cigarette, une voix off leur rappelle qu’il est interdit de fumer dans un lieu public. Faisant mine d’être surpris et de ne pas comprendre le sens de cette interdiction, les lumières se tamisent, les deux comédiens font un retour vers le passé et se transforment sous nos yeux en deux intellos spécialisés dans le théâtre mais très certainement aussi en économie, en humanisme, en sociologie et plus généralement en philosophie de 1968.

Le point de départ de leur débat part d’une réflexion sur ce qu’est de le théâtre en 1968 et de projeter son existence, sa forme, son pouvoir 50 ans plus tard. Les idées fusent les unes derrières les autres, parfois légitimes et argumentées, parfois franchement farfelues et complètement utopiquse. Parmi les plus drôles, le système égalitaire pour tous les metteurs en scène qui auront systématiquement le même nombre de représentations et le même nombre de spectateurs, pour cela la mise en place d’un tirage au sort s’impose ! Ou encore d’amener la réflexion à penser que Jean Vilar, créateur et défendeur du théâtre populaire, est un fasciste, et que le festival d’Avignon n’existera plus car le festival de Nancy crée par Jack Lang aura anéanti le premier.

Le plus utopiste des deux est sans aucun doute le personnage joué par Cyril Cotinaut qui s’embarque dans des théories futuristes et loufoques comme savaient en créer les années 68. Tandis que Sébastien Davis, plus cartésien que l’autre, fait effondrer ces théories avec les arguments de notre société actuelle.

Beaucoup de sujets sont passés en revue, comme le chômage, la sécurité sociale, le statut des intermittents. Sous couvert de ce débat un constat acerbe de l’état actuel de notre société est évoqué démontrant que les prospectives utopistes des années 68 n’ont pour la plupart jamais vu le jour.

Le débat dure ainsi presque une heure trente donnant parfois l’impression de revoir les soirées de Michel Polak, avec ses inévitables engueulades, ses cigarettes et alcool à volonté. Le casque et l’enclume est un véritable « come back » dans les années 68 où rien n’est oublié jusqu’au moindre détail, les costumes à côtes velours, les pantalons pattes d’éléphant, les rouflaquettes, les lunettes teintées, le mobilier et le synthétiseur rouge mais avant tout une gestuelle et une manière de s’exprimer des intellos de l’époque.

La fin du spectacle surprend par rapport a ce que laissaient présager les joutes oratoires des débats précédents. Les deux comédiens ont opté pour une fin bien plus poétique au travers d’un hommage rendu aux grands auteurs du théâtre français.

C’est dans le cadre du cinquantenaire de Mai 68, que les deux auteurs ont eu « carte blanche » par la directrice du théâtre national de Nice Irina Brook pour créer ce spectacle. Le réalisme des propos est assez efficace, les quelques longueurs sont effacés par un ensemble cohérent et enjoué qui permet aux soixante-huitards de la salle de continuer le débat à la sortie avec les plus jeunes. Un bon spectacle à découvrir.

Béatrice Stopin

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