CRITIQUE. « Nous dans le désordre » – mes Estelle Savasta – Théâtre 71, scène nationale de Malakoff > 19 au 22 novembre 2019–
En octobre dernier, nous assistions à la deuxième nationale de la dernière création de la metteure en scène Estelle Savasta, qui a écrit cette pièce en collaboration avec une classe expérimentale créée pour ce projet au lycée Ismaël Dauphin à Cavaillon. La désobéissance est le thème proposé et abordé par ce collectif original composé de 24 élèves dirigé par Estelle Savasta.
Ismaêl est un adolescent sans aucune difficulté apparente, plutôt populaire, son entourage peut dire de lui qu’il est « droit dans ses bottes » et sans histoires. Pourtant, un jour ce jeune homme disparait. Ses parents le retrouvent quelque temps après allongé par terre sur le chemin derrière chez lui. Un mot écrit de sa main près de lui, pour dire « je vais bien, je ne me relèverai pas et ne dirai rien de plus ».
En arrière plan domine la photo d’une forêt, quand au premier plan une cloison dotée d’une large ouverture démarque l’intérieur et l’extérieur du foyer familial où toutes les scènes se jouent autour de ce corps retrouvé étendu par terre.
Dès le début de la pièce, la disparition d’Ismaël est annoncée. Se succèdent alors des petites séquences chacune marquées par un noir permettant à tout le monde de commencer à s’interroger sur les motivations de son acte alors que tout va bien pour lui dans sa vie. Le thème principal de la désobéissance est alors abordé en premier lieu comme un acte de rébellion d’adolescence, pour s’ouvrir ensuite sur un champ beaucoup plus large de la place de l’individu dans la société. Le jeune homme passera d’un statut de victime d’une jeunesse actuelle en proie aux doutes à un statut de coupable dérangeant le conformisme des autres. En d’autres termes, on comprend vite que l’on a matérialisé un concept par Ismaël et que par lui passerons tous les maux de la société.
Ismaël peut être complètement associé à ce fameux effet papillon pour lequel on part d’un fait divers d’un gamin qui décide de ne plus parler et de rester coucher par terre, pour aboutir à un débat général sur la place de l’individu dans la société, la notion de respect de l’autre et de ses idées.
L’ensemble de la pièce adopte une forme crescendo où tout s’amplifie peu à peu durant lequel une plaisanterie d’écolier qui se confronte à l’autorité parentale va aboutir à l’idée de ce qui dérange ne doit pas être exposé. Le corps inerte d’Isamel devient alors la représentation de toutes les notions que chacun veut bien défendre : la pollution, le respect, la place de l’individu, le droit à la parole. Chaque personnage qui s’adresse au corps d’Ismaël devient un groupe social différent qui fait entendre ses idéologies sur des dialogues très incisifs qui peuvent figer sur place ou même provoquer une boule au ventre.
Si la fin est percutante et donne envie de rester encore quelques minutes dans son siège pour divaguer sur le décor resté là sous nos yeux avant de se replonger dans la réalité, soulignons quand même quelques longueurs au début de la pièce et plus globalement des personnages parfois moins affirmés que leurs idées.
Un spectacle peut-être encore un peu jeune mais qui ne remet pas en cause le talent de ses interprètes, la richesse des dialogues sur une mise en scène astucieuse.
Béatrice Stopin
Vu à la Scène Nationale de Cavaillon en octobre 2019
Dates de tournée :
Théâtre de la Cité – CDN Toulouse Occitanie > 26 au 30 novembre 2019
Les 2 scènes, scène nationale de Besançon > 3 au 5 décembre 2019
Théâtre Romain Rolland, Villejuif > 12 au 17 décembre 2019
TANDEM Scène nationale, Douai > 13 au 15 janvier 2020
Théâtre du Pays de Morlaix > 13 et 14 février 2020
Théâtre Am Stram Gram, Genève > 24 et 26 mars 2020
Le Grand Bleu, Lille > 9 avril 2020
Maison de la Culture de Bourges > 12 et 13 mai 2020