CRITIQUE. « Peer Gynt du Kosovo » de Agon Myftari/Jeton Neziraj – Au théâtre de Vidy-Lausanne les 3,4,5 octobre 2019.
Après le Maghreb et la Grèce, la nouvelle édition du Festival Lausanne Méditerranées est dédiée à l’espace albanophone entre Macédoine du nord et Kosovo. Plusieurs rencontres avec cette culture sont organisées à l’initiative de la Ville de Lausanne avec une programmation de films, spectacles, concerts, débats, rencontres littéraires et animations en partenariat avec la Cinémathèque suisse, Arsenic, le Théâtre de Vidy et les associations albanophones. De belles façons d’approcher cette communauté et de briser certains présupposés.
Ce Peer-là rêve d’une utopie européenne : celle où les banques déverseraient leur argent à ceux qui le demandent, où les filles ne seraient pas farouches, où les chiens ne mordraient pas et où même les moustiques ne piqueraient pas! Sa quête idéaliste ne procède pas plus de cruauté subie dans son pays que de besoin de liberté, pas plus d’un régime politique injuste que de convoitise d’abondance et de confort. Qui ne tente pas d’améliorer sa propre condition ?
Sur un plateau envahi de pelotes colorées, se présentent Peer et sa mère, une femme dure et lasse, que l’on sent pourtant aimante à sa rude manière. Tricotant assidûment, elle est le pilier immuable au milieu d’une agitation masculine bouillonnante. Peer lui ment, s’en va et demande l’asile. En Suède, puis en Allemagne. Et il comprend vite que ses aspirations n’étaient que pures fantasmes.
Le personnage de Peer, naïf mais prêt à tout, hérite d’une histoire nationale compliquée. Il est relié à son pays par un esprit et des coutumes patriarcales, comme l’honneur ou la «bessa», la parole donnée considérée comme sacrée, que l’on n’hésite pourtant guère à manipuler….Avec humour, le texte pointe des particularités nationales, tout en y ajoutant une touchante humanité.
Entre mensonges et forfaits, tromperies et influences, allers et retours, Peer finit par être emprisonné, accusé de 127 délits, dont certains réels et d’autres absurdement injustes. Un lieu qui l’entraîne vers la radicalisation. Les injonctions reçues : «Deviens un homme. Ecrase-les tous», les «trolls» rencontrés sur son chemin, l’emprise de la figure maternelle, la dévotion à un dieu vengeur, autant de couches à éplucher, de celles qui font pleurer… Pour trouver quoi ? Se trouver soi ?
L’adaptation de la pièce d’Ibsen par Jeton Neziraj dépeint le tempérament frondeur du peuple kosovar. De façon dynamique, les quatre comédiens habitent le récit en assumant plusieurs rôles. C’est grâce à un focus lumineux que le spectateur est guidé vers le lieu de l’action, habilement agencé par les boîtes mobiles, car les pérégrinations de Peer se racontent aux quatre coins du plateau.
Culturieuse,
à Lausanne
*La pièce se joue en albanais, surtitré français et anglais.