CRITIQUE. « BE CAREFUL », de et avec Mallika Taneja – Théâtre les Tanneurs à Bruxelles jusqu’au 05/10/2019 – Représentation de 45 minutes.
Tout est dans le regard, mais rien n’y fait…
Le spectacle : « Be careful », Sois prudente, une satire sur la sécurité, un cri, une colère contre la violence faite aux femmes, notamment la condition des femmes en Inde. Un spectacle en anglais, surtitré en français.
Sur le plateau presque vide, un tas d’habits et des foulards de toutes les couleurs, bien rangés à gauche et à droite. Une belle lumière illumine l’ensemble, très joli. La beauté dans l’obscurité. Surgit de nulle part, apparaît alors une jeune femme, complètement nue. Elle va fixer le public dans les yeux, un par un, pendant d’interminables minutes, dans un silence absolu.
Elle va raconter l’abus, la violence et surtout le concept de « sécurité » presque une ironie dans son pays. Elle racontera, la famille, les autres, le regard des autres, la violence quotidienne subie par les femmes. Sans victimisme, avec un humour noir, et une certaine subtilité.
La mise en scène, la comédienne
Si le talent de Mallika Taneja est sans conteste, la mise en scène, au départ, peut mettre très mal à l’aise. Le public est, certes, ébloui par un décor très attractif et coloré, mais l’apparition soudaine et inattendue de la comédienne complètement nue dérange de par la prolongation de cette exposition sans complexes aux yeux de tous. Ce n’est pas tant la nudité qui moleste, mais les minutes interminables dans un silence sans fin et un regard porté avec insistance sur chacun/e des spectateurs/trices dans la salle, répétitif, faisant tranquillement le tour de l’assemblée avec ses yeux. D’abord de face, puis posant sur le côté. Pas un son, pas de musique, juste le silence et un malaise palpable. Tant est que, déjà, certains spectateurs quittent la salle. À la deuxième personne, Taneja la suit du regard, et lance un au revoir ironique… Un peu déplacé sans doute, c’est mon avis.
La nudité pour choquer, faire passer le message, une liberté inexistante en Inde, et certainement ailleurs.
Lorsque la jeune femme commence à s’exprimer, elle le fait presque d’un trait et sans souffle. Elle s’adresse directement au public, le questionne parfois, avec une rapidité incroyable. Il est vrai que le texte est prenant et intelligent ; la comédienne le joue avec humour et sympathie. Drôle alors que le sujet est grave et sérieux. Un talent certain donc, même si l’effet escompté est un coup porté pour dénoncer la maltraitance des femmes, sujet important et que l’on doit soutenir sans détour, la façon de le présenter dans ce spectacle ne lui donne pas toute la place qu’il mérite. Il est clair que Mallika Taneja souhaite créer l’embarras tout en le faisant rire. Pour ma part, j’ai passé mon tour. Ceci dit, on sent bien que ce sujet la touche. Loin de se positionner en victime, elle assume corps et âme ce spectacle, et on ne peut que saluer son audace. L’artiste est une activiste indienne qui vit et travaille à New Delhi. Avec cette performance théâtrale elle « s’interroge sur la notion d’égalité et sur la façon dont le corps peut tenir tête à l’injustice des structures de pouvoir en place ». Elle a présenté ce « solo » dans de nombreux festivals internationaux, inclus en Inde, où elle organise des « Midnight Walks » « lors desquels des femmes déambulent dans les rues de la ville après minuit », pas évident et certainement très courageux.
Selon la comédienne, qui mérite le respect, « Le corps est l’outil le plus puissant dans la bataille pour l’égalité des femmes ». Elle nous l’a exposé en mode humour noir. Alors à voir ? À vous de voir.
Pour un public averti, « Be Careful », jusqu’au 5 octobre au Théâtre les Tanneurs à Bruxelles.
Julia Garlito Y Romo
à Bruxelles