CRITIQUE. « LES ENFANTS » – de Lucy Kirkwood – Traduction : Louise Bartlett – Mise en scène Tilly – Théâtre De POCHE – Bruxelles – jusqu’au 10/10/2019
Le décor émerveille. Assis dans la salle, on se sent en vacances, tellement c’est mignon, au loin, le bruit de la mer. En fait, on est sur la côte britannique, dans le petit chalet d’Hazel et de Robin, un couple d’ingénieurs nucléaires. Hazel et Robin sont à la retraite. Ensemble ils ont eu quatre enfants et ont de nombreux petits enfants. Mais ces derniers sont loin et pas toujours présents. Seuls dans leur cottage, ils vaquent à leurs occupations simples, isolés de tout. Des évènements terribles et tragiques les ont menés vers cette existence, dont ils s’accommodent comme si rien ne s’était passé. Mais est-ce vraiment le cas ? Rose saigne du nez. Rose est une vieille amie, que le couple n’avait plus revu depuis 38 ans. Elle était leur collègue à la Centrale. Rose va chambouler cette vie « tranquille » en proposant l’inattendu. Ils vont se plonger dans leurs souvenirs au fil des conversations et se redécouvrir avec les non-dits, rires, larmes, anecdotes et surtout, une terrible réalité, des révélations, des jalousies refoulées, de l’amertume, mais aussi de la joie et de l’amour vont, à travers les trois excellentissimes comédien/nes, attraper les spectateurs. Comment vont réagir Hazel et Robin ? Un drame raconté avec un humour exquis.
L’auteure / la mise en scène / les comédiens
« Parce que l’enfant c’est celui qui est impuissant et qui ne peut agir sur le monde », avec cette phrase, la jeune dramaturge et scénariste britannique, l’auteure de « Les Enfants », Lucy Kirkwood, en dit déjà long. Avec plusieurs œuvres à son actif tels que « Chimerica », « Mosquitoes » ou encore « NSFW » on peut dire qu’elle ne passe pas inaperçue. Pas étonnant, dès lors, que l’on s’y intéresse de près. Prix de la meilleure pièce aux Writers Guild Awards 2018.
Avec Tilly comme metteur en scène, difficile d’être déçu. Si cet artiste travaille principalement en France, il collabore souvent avec le Théâtre De Poche, et, bien entendu, on aime ! Pour « Les Enfants », Tilly dit n’avoir pas « travaillé sur la mise en scène, puisque déjà écrite par l’auteure Lucy Kirkwood ». Son travail « c’est sur les acteurs », poursuit-il. Quant aux comédiens, ils ont été choisis par Olivier Blin, le directeur du théâtre et lui s’est contenté de les diriger, précise-t-il dans son interview au Poche. Olivier Blin a d’ailleurs sollicité Tilly pour monter la pièce. Jouée à New York, à Londres ou encore à Sidney, c’est la première fois qu’elle l’est en français. C’est sans nul doute un grand succès, on peut dire que le pari, si tant est qu’il y en eu un, est réussi.
On ne peut que saluer cette collaboration qui mène tout droit le public à se régaler du début à la fin, tant le jeu est extraordinaire. Tilly dirige les comédiens avec une complicité mutuelle, rendant l’ensemble absolument bluffant.
Et pour cause, les comédiens sont époustouflants, terriblement naturels. Le public n’est pas dans la salle, il est dans leur maison, leur « cottage », ou plutôt, il disparaît: Rose (Marie-Paule Kumps *), Robin (François Sikivie*) et Hazel (Jo Deseure) sont chez eux, pas sur scène. Le public rit, s’émeut, est attentif, sérieux. C’est magnifique. Ils sont aussi attendrissant que des enfants, a-t-on envie de dire, telles certaines scènes.
Et si la pièce est amusante, « Les enfants » traite cependant de sujets sérieux, forts, qui ne font aucun doute sur l’importance, non seulement, de la réflexion, mais de l’urgence que représente la solution aux problèmes de l’environnement, notamment l’énergie et le nucléaire avec ses catastrophes; le changement climatique bien sûr, mais également la prise de responsabilité et les conséquences que cela implique bien au-delà de juste en parler, il faut des actes dans un soucis profond pour le futur des prochaines générations. Les enfants, dont il est question justement, très présents tout au long du spectacle, et pour qui il faudrait pouvoir faire « un don de soi » comme l’explique Tilly. Chaque geste, chaque action vers ce changement d’attitude, c’est déjà un pas vers l’avant, alors imaginez ce que peut être ce même geste, cette même action multipliée à l’infini.
« LES ENFANTS », à voir assurément, un spectacle à ne pas manquer, un spectacle qui touche ! Certainement une des meilleures pièces de l’année.
J’y vais, et j’y retourne,
Julia Garlito Y Romo