« VILLA DOLOROSA », LINI FAIT MOUCHE UNE NOUVELLE FOIS !

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CRITIQUE. « VILLA DOLOROSA » – de Rebekka Kricheldorf – Mise en scène de Georges Lini – Théâtre des Martyrs – Bruxelles – jusqu’au 06/10/2019 (Les mardis et samedis à 19h00, les mercredis, jeudis et vendredis à 20h15, le dimanche 06/10 à 15h00).

« VILLA DOLOROSA » : Une comédie dramatique.

Le public n’est pas encore qu’il est déjà émerveillé par le splendide décor. Un décor (*) qui happe toute son attention et se prête à merveille dans la belle salle du Théâtre des Martyrs. La scène représente un salon d’où l’on peut admirer une grande véranda laissant apparaître un jardin extraordinaire, sauvage. Les lumières (*) subliment le tout durant tout le spectacle, sur fond d’Opéra (doux emportement des sens).

Trois sœurs et un frère aux prénoms bien russes pour des Allemands: Olga, Macha, Irina et Andreï. En effet, leurs parents férus de littérature russe, les ont baptisés ainsi à leur grand dam, ils l’assument mal, en plus de passer leur vie à se plaindre, à se lamenter sur leur sort. Ils partagent la maison familiale, sauf Macha, mariée, vivant dans une maison en face. Un mariage malheureux qui la rend aigrie et cynique, passant le plus clair de son temps avec ses sœurs. La famille se réunit pour fêter l’anniversaire de l’éternelle étudiante indécise, Irina. Á 28 ans, elle passe son temps à rêvasser, dormir et écouter de l’Opéra. Andreï, lui, est plongé dans le projet d’un livre dont l’écriture n’aboutit jamais et Olga est la seule qui travaille pour subvenir aux besoins de la famille, pratiquement ruinée, malgré la grande bâtisse héritée des parents. Ils se lamentent, certes, mais se complaisent dans cette vie qu’ils n’arrivent pas à changer. Ils n’en ont tout simplement pas le courage, ni l’envie, espérant sans doute un miracle, sans aucun but précis. Ensemble et pourtant seuls dans leur misère affective, nombriliste et égoïste.

C’est dans cette ambiance où rien ne change au fil des années, que vont apparaître deux autres personnages, Janine et Georg. Ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre, mais vont chambouler quelque peu les habitudes de cette famille intellectuelle et bourgeoise, baignée dans une culture inculquée presque aux forcing dès leur plus jeune enfance.

Quelle sera l’issue de l’histoire et quels en seront les rebondissements, les quiproquos et les dialogues complétement dingues ? À vous de le découvrir en allant voir ce spectacle formidable.

Une adaptation sensible, drôle et intelligente

Les trois sœurs de Tchekhov, à la sauce contemporaine. Le mal-être plutôt que la liberté. Cynisme, humour, amour, narcissisme, désillusion, argent, contradiction, sincérité et complaisance : à la poursuite du bonheur tout en restant chez soi : le comble de l’utopie ? Un cocktail jouissif pour une mise en scène très réussie !

Comme il nous y a habitué avec ses nombreuses créations, Georges Lini épate une nouvelle fois en mettant en scène « Villa Dolorosa » de Rebekka Kricheldorf, adaptée par l’auteure, des Trois Sœurs de Tchekhov. Et si l’écrivaine dramaturge allemande a déjà largement prouvé qu’elle vaut le détour (nombreux prix à son actif), Lini n’est pas en reste. Il a l’art de mettre en scène le classique à la sauce contemporaine. Son but (et celui de la compagnie Belle de Nuit) : impacter, faire prendre conscience, porter un autre regard -un regard actuel- briser les tabous, pousser à la réflexion, et, bien sûr, il fait mouche ! « Faire perdre le statut de déjà vu pour en renouveler la perception (…) des sens du spectateurs » nous disent-ils. Et pour se faire, Lini va, une fois encore, réussir son casting, avec un choix de comédien/ne/s qui vont rendre l’ensemble criant de vérité. On a peine à croire que les trois sœurs ne le sont pas dans la vie réelle, tant leur complicité sur scène est évidente.

À ce propos il convient de mettre en évidence l’excellente prestation de la jeune Deborah Rouach (Janine). Loin du texte récité « par cœur », elle est Janine, avec un parlé franc et naturel. Impressionnant et loin de passer inaperçue. Quant à France Bastoen, dans le rôle d’Olga, juste épatante, une belle présence ! On y croit vraiment. Anne-Pascale Clairembourg (Irina), Thierry Hellin (Andrei), Nicolas Luçon (Georg) et Isabelle Defossé (Macha) vont compléter le tableau. De beaux parcours, trop longs pour être énumérés ici, mais à suivre, sans aucun doute.

En résumé, pour cette pièce, Georges Lini dit vouloir « éviter la sensation de déjà vu », un pari réussi, comme à son habitude. Il a d’ailleurs fait le choix de ne rien changer à l’adaptation de Kricheldorf, qui lui a « mâché le travail en quelque sorte », nous raconte -t-il. Et si quand bien même le spectacle peut paraître un tantinet trop long (dix minutes en moins seraient bienvenues), ce metteur en scène de génie fait passer les messages à travers l’art de la scène :

« Villa Dolorosa » (« Un carnage verbal » comme le dit Rebekka Kricheldorf) : un spectacle à ne pas rater !

J’y vais et je le dis !

Julia Garlito Y Romo

Générique
Les comédiens : France Bastoen (Olga) ; Anne-Pascale Clairembourg (Irina) ; Isabelle Defossé (Macha) ; Thierry Hellin (Andrei) ; Nicolas, Luçon (Georg) ; Deborah Rouach (Janine).

(*) Traduction : Leyla-Claire Rabih & Franck Weigand / Dramaturgie et mise en scène : Georges Lini / collaborateur artistique : Sébastien Fernandez / Stagiaire : Mehdi Zekhinini / Scénographie & costumes : Renata Gorka / Construction décor : Luc Dezille / Lumières : Jérôme Dejean / Régie : Luis Vergara Santiago assisté d’Antoine Halsberghe

Coproduction : Compagnie Belle de nuit, Théâtre des Martyrs, La Coop & Shelter Prod.

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