CRITIQUE. « Ridiculum Vitae » de Jean-Pierre Verheggen et Jacques Bonnafé, mis en scène par Michel Bruzat, interprété par Marie Thomas accompagnée au piano par Benoit Ribière, aux Déchargeurs les lundis à 19h jusqu’au 16 décembre 2019
Encore une étoile filante poétique aux Déchargeurs : c’est vif, brut, éclatant, une heure de petit festin de verbe sous la dictée de Jean-Pierre Verheggen et Jacques Bonnafé.
Sur scène, Marie Thomas, c’est la Môme ressuscitée, un piaf mutin, presque lutin. Elle parle comme on chante, avec une sorte de gouaille de rue, un fluet dans le timbre et un rauque dans le ton, et fait de cette plume masculine quelque chose d’ultra féminin. C’est engagé, c’est sensuel, c’est galopant, ça bondit, ça trébuche, ça vacille : c’est comme un oiseau. Marie Thomas a la voix parlée d’un moineau qui connaît la langue des aigles.
Le très joli mouvement de silences entrecoupés, entrechoqués parfois, en début de spectacle, révèle ce dire qui hésite, voire s’hésite, comme si le verbe « hésiter » pouvait être réfléchi. Pourquoi l’échec de la parole est-il si rarement exploré dans ce laboratoire vivant du dire qu’est aussi le théâtre ?
Et puis, ce déliement, ce barrage qui cède, et ce verbe qui jaillit, qui gronde et se répand avec la fureur des eaux libérées, et la gaieté aussi, et l’urgence.
Le piano de Benoit Ribière s’efface pudiquement derrière cette parole presque débordée de vie, vivante à crever l’espace, animée par une Marie Thomas explosive et lumineuse. La poésie de Jean-Pierre Verheggen et de Jacques Bonnafé mise en voix par Marie Thomas contient déjà tant de musique. Je suis complètement séduite, vous le serez aussi.
Marguerite Dornier
LE BRUITDUOFF TRIBUNE 