CRITIQUE. « Girl from the fog machine factory » – Texte, mise en scène et création lumière : Thom Luz – au Printemps des Comédiens de Montpellier les 18 et 19 juin à 20h00 – Spectacle en allemand surtitré en français.
C’est entouré de volutes de fumée que les spectateurs du Printemps des Comédiens découvrent la nouvelle création du metteur en scène zurichois, musicien et plus globalement poète touche à tout, Thom Luz.
Quatre doux dingues continuent à imaginer de nouvelles machines à fumée, toutes plus poétiques les unes que les autres, dans une ambiance économique morose. Leur petite usine est sur le déclin, le carnet de commande bien vide et c’est au milieu de ce bric-à-brac loufoque que l’amour va naître entre un des employés et une jeune femme émerveillée.
Avec quelques machines à fumée, des ventilateurs, bâches et quelques tuyaux, le metteur en scène et ses comparses emmènent le public avec eux dans un délire naïf et poétique, mêlant un jeu proche de l’absurde qui se rapproche de ce que l’on peut retrouver chez le metteur en scène Philippe Quesne, plus particulièrement dans « La mélancolie des dragons ». L’esprit vagabond on pense aussi parfois à un Buster Keaton qui jouerait à faire des ronds avec la fumée de sa cigarette, assis sur le bord du toit d’un building, toujours en équilibre.
Impossible de ne pas se laisser prendre par la main par cette troupe de trublions, de ne pas rêver avec eux dans leur désir de faire prendre forme à l’invisible, de dompter avec bienveillance l’indomptable. Les volutes de fumée, telles un génie des mille et une nuits, donnent forme à l’âme de la musique qu’ils jouent sur scène. Car il s’agit bel et bien de théâtre musical, si le texte est épuré les chants et les instruments, un clavier, un violon, un violoncelle, contribuent à la magie et à la poésie du spectacle et lui donnent tout son sens.
Sans jamais tomber dans la mièvrerie, tout n’est que légèreté dans la proposition de Thomas Luz et de ses comédiens. Le dénouement, loin d’être gai, reste tourné vers la beauté, la poésie et la délicatesse, même dans la mort et la fin du monde, en tout cas de celui dans lequel ils vivaient et espéraient. Avec peu de paroles et un savoir-faire évident dans l’économie du geste, Thom Luz gomme l’inutile pour ne laisser transparaître que l’essentiel, celui qui plonge dans la rêverie, le sourire au coin des lèvres, mais aussi dans une sorte de regret sans nostalgie de ce que nous avons laissé faire. Difficile de sortir de ce spectacle sans ce drôle de goût dans la bouche et le cœur, à la fois
sucré et acide.
Un petit bonbon de théâtre, qui malgré une forme pouvant paraître simple, nous laisse des saveurs complexes qui restent longtemps en nous.
Pierre Salles
« Girl from the fog machine factory »
Avec : Mathias Weibel, Mara Miribung, Samuel Streiff, Sigurður Arent
Jónsson, Fhunyue Gao
Espace, mise en scène, texte : Thom Luz
Direction musicale : Mathias Weibel
Costumes : Tina Bleuler, Katharina Baldauf
Son : Martin Hofstetter
Création lumière : Thom Luz, Tina Bleuler