TABEA MARTIN, »FOREVER »… OU JAMAIS

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CRITIQUE. «Forever» de Tabea Martin – Au théâtre de Vidy-Lausanne du 22 au 25 mai.

C’est un monde où le temps s’étire comme une baudruche, où tout est aussi lisse et brillant que le vinyl, un monde pur et blanc d’où l’accident est absent et l’éternité tangible. Comment alors égayer l’ennui qui forcément finit par y régner ?

C’est un spectacle de danse contemporaine accessible aux enfants et pour autant, captivant pour les adultes. C’est un texte théâtral abordant le thème de la mort et désacralisant son tabou avec humour. C’est aussi une scénographie astucieuse, d’une esthétique remarquable, et une chorégraphie espiègle et tourbillonnante. L’ensemble compose la réussite de ce spectacle tout public.

Tabea Martin a élaboré cette pièce dansée, parlée et jouée, à partir d’ateliers explorant la vision de la mortalité que peuvent avoir des enfants de 8 à 12 ans. Une chorégraphie narrative qui entraîne le rire et le questionnement avec une légèreté emplie de profondeur.

Au son de la ritournelle continue d’une boîte à musique, un groupe serré de cinq personnages aux regards inquisiteurs, accueille le public en le dévisageant. Vêtus de longues jupes blanches en vinyl, ils se nomment et assurent l’assistance qu’ils sont là pour toujours, dans leur univers dépourvu de toute catastrophe, garni de ballons blancs de différents formats.

Cependant ces dieux de l’Olympe jouent perpétuellement à imaginer leur mort. Le désir de ce qu’il est impossible d’obtenir ? Concerto de Bach ou musique électronique les accompagne dans leur exploration ludique et joyeuse. Les scènes d’agonie se suivent alors, chacun.e se projetant avec humour et grâce dans un scénario funeste. Les ballons s’envolent ou éclatent, se dégonflent ou englobent. En ce paradis dénué de rugosité, on utilise un jerrican de sang et un autre de larmes, pour simuler la matérialité de douleurs imaginaires. Leurs mouvements, leurs poses, leurs danses en font des êtres éthérés, aériens même lorsqu’ils tombent, mélodieux même lorsqu’ils geignent, harmonieux même lorsqu’ils font mine d’expirer.

Enfin, il semble que l’un d’entre eux ait obtenu ce que tous convoitent, le repos éternel. Le bouche à bouche ne le ranime pas. C’est l’allégresse générale ! Qui ne durera pas…

Ainsi ils avancent, à contre-courant, sans cesse imaginant une fin pour ce mouvement perpétuel. Ils nous l’assurent, ils seront toujours là.

Mais pas nous.

Culturieuse,
à Lausanne

Photo Nelly Rodriguez

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