CRITIQUE. « Un garçon d’Italie » d’après Philippe Besson – Mise en scène : Mathieu Touzé – Théâtre de Belleville, Paris – du 5 au 28 mai 2019.
Quand le metteur en scène et comédien Mathieu Touzé propose Philippe Besson de mettre en scène son livre « Un garçon d’Italie », la proposition étonne tout de suite l’auteur tant il ne pense pas que son texte soit théâtral. Mais il semble cependant que la persévérance de Mathieu Touzé ait eu raison de ses doutes. Grand bien lui fasse car à l’évidence le pari est gagné.
Ce garçon c’est Luca, pivot d’un trio amoureux avec une femme et un autre homme. Luca est amoureux des deux, mais Philippe Besson nous entraîne dans ce trio au travers d’une enquête policière durant laquelle Luca est retrouvé noyé le corps bourré de somnifères, dès le début de la pièce. La police va donc naturellement opter pour le suicide. Choc pour sa compagne Anna qui ne comprend pas comment Luca a pu se suicider et qui va peu à peu découvrir sa double vie et beaucoup de secrets.
Pas de décors ou d’accessoires sur le plateau, le metteur en scène et comédien Mathieu Touzé mise sur le talent des trois comédiens pour nous faire passer ce texte touchant et délicat. Mathieu Touzé dans le rôle de Luca offre un personnage tout en finesse et sans manichéisme qui tente coûte que coûte, avec ses mensonges, de ne blesser personne. Yumming Hey interprète Léo, amant de Luca, et Estelle N’Tsendé sa compagne Anna, convaincante en veuve recherchant avant tout la vérité sur la disparition de son compagnon. Inutile de trop dévoiler ici la trame de l’intrigue, il faut savoir se laisser porter par l’élégance des trois comédiens et par la mise en scène fine et sans superflus de Mathieu Touzé. L’émotion passe et voilà bien l’essentiel. Dans le rôle de Leo, le comédien Yumming Hey éblouit par son apparente fragilité. Il apparaît cabossé par la vie, crédible dans tous les registres et transcende cet amour caché par Luca à sa compagne.
Des chansons populaires interprétées sur scène parsèment le récit sans jamais tomber dans un effet de style inutile mais apportant encore un peu plus d’émotion. Intimité encore quand tous les personnages, même le mort, s’expriment à la première personne. Le spectateur parvient alors à entrevoir ces personnages et leurs contradictions et à démêler ainsi une pelote de laine à trois brins, chacun des protagonistes ayant sa vision parfaite de l’être aimé et disparu qui s’estompe peu à peu.
Un spectacle délicat à découvrir.
Pierre Salles