CRITIQUE. ZOOM – Texte : Gilles Granouillet – mise en scene : Marie Provence – jeu : Marie Provence, Audrey Lopez, Marion Duquenne – au CAC de Concarneau, le 29 mars 2019.
Sur les rives sud de la Bretagne, tout au bout, en Finistère, Concarneau, ville de moyenne importance, de pêcheurs, de thalasso, et de bateau de guerre, possède encore en centre ville un théâtre : le CAC, centre d’action culturelle,
Gros comme un palais des congres, ancienne usine de sardine reconvertie en salle de spectacle, il borde une mer sublime, parsemée de voiles de bateaux, de balises et de cormorans, ouverte sur le golfe de Fouesnant et sur un horizon d’un bleu infini.
A l’intérieur une salle démesurée aux plafonds hauts de quinze mètres au moins, abrite une scène à l’italienne qui donne sur un immense espace vide, à l’intérieur duquel sont alignées les chaises en fonction du public. La régie, équipée comme il se doit dispose de tout ce qu’il faut pour accueillir dignement les spectacles de théâtre, les concerts de techno et de cornemuse, les élections de miss Concarneau, le festival du livre de mer, pour un public populaire et local.
Ce soir c’était du théâtre avec un titre accrocheur comme au cinéma : « Zoom ».
« Zoom » c’est l’histoire d’une fille mère en trois comédiennes.
C’est l’histoire d’une femme qui n’a pas envie qu’on la mette dans une case, ni elle ni son fils, pour laquelle elle pressent qu’il est destiné.
Dès sa naissance.
La case des enfants difficiles, au profil psychologique incertain, sans père, ni repères et sans but précis dans la vie .
C’est l’histoire d’une femme qui décide que ça ne se passera pas comme ça, qui se bat mais qui dérape et finalement s’en sort la tête haute.
Racontée par trois femmes aux physiques très différents, avec sensibilité, humour dérision, et force pas de danse dans des costumes chatoyants, Zoom te fais vivre le parcours du combattant et la solitude de cette femme borderline, confrontée a un système social qui la surveille, la juge, et prépare pour elle et son fils Burt, ces deux petites boites d’où ils risquent de ne jamais pouvoir sortir.
Dans la salle, le public qui pensait peut être voir une pièce de boulevard, est happé par le texte et le jeu incisif des comédiennes, immergeant avec science les spectateurs au cœur de la toile d’araignée inextricable dans laquelle le personnage se débat, dans la salle une femme fait un malaise, après un petit moment on la fait sortir mais personne n’y prend garde, captivé par ce spectacle à trois têtes, ce désespoir que l’on sent poindre au travers d’un humour caustique et salvateur.
Voilà, les comédiennes venaient de Marseille, pour participer à un festival de mise en scène de théâtre au féminin, après le spectacle on boira dans un hall immense un petit thé à la menthe. Les gens s’éclipsent discrètement, ce sont des bretons, pas des méridionaux, ils ont aimé mais ne le montrent pas outre mesure, il n’aura pas été besoin d’aller à Lorient, Quimper ou Brest ou dans la zone commerciale au Cinéville, pour voir un spectacle de très bonne qualité d’autant plus qu’il n’est pas facile de jouer avec ce rapport scène-salle aussi distant.
Le travail patient des programmateurs de ce réseau de salles communales dispatchées sur plusieurs gros bourgs alentours amène la culture là ou elle est généralement absente, curieusement, à Concarneau, en centre ville le vendredi soir.
Claire Denieul