« 1984 » : ORWELL PLUS ACTUEL QUE JAMAIS !

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CRITIQUE. « 1984 », de Thierry Debroux ; d’après le roman de George Orwell – mise en scène : Patrice Mincke – Théâtre Royal du Parc, rue de la Loi 3 – à Bruxelles – Jusqu’au 6 avril 2019.

Nous voilà à nouveau dans la magnifique et magique salle du Théâtre Royal du Parc. Une salle qui prête à de nombreux décors tous plus exceptionnels les uns que les autres, et pour cette histoire captivante, elle a une nouvelle fois permis de marquer les esprits !

L’histoire : Plus actuelle que jamais.
Winston Smith travaille au ministère de la Vérité. Il vit dans un pays dictatorial, un état policier, où rien ni personne n’est libre de dire ouvertement ce qu’il pense, ni même de le penser, justement ! Les technologies ultra modernes et connectées sont présentes absolument partout, même dans les maisons de tout un chacun. « Big Brother » c’est le parti, il décide de tout et endoctrine à base de propagandes continuellement visibles sur d’innombrables écrans disposés partout. Toute forme d’individualité est abolie, abandonnée. Il n’y a plus d’intimité entre les personnes, même l’amour est prohibé. Interdit de posséder quoi que ce soit, tous les objets du passé ont disparus. Le passé ? Il est réécrit par le parti. Même les mots deviennent restrictifs et chaque fois moins nombreux pour ne permettre aucune forme d’expression. Les souvenirs, tout comme la langue, les livres, ou l’histoire de l’humanité sont effacés des mémoires. Surveillance, « prison idéologique permanente ». « L’infox » est désormais une tradition inscrite dans les gènes du parti. Il faut payer pour tout, inclus ce que vous n’avez pas souhaité.

Winston n’en peut plus. Il réalise que ce monde n’est pas le sien, ni d’ailleurs celui des autres. Il a des sentiments, et ses pensées se bousculent dans les « centimètres de crâne » qui lui appartiennent. Mais penser est dangereux, voire punissable… de mort. Ne pouvant faire confiance à personne (en effet, chaque individu, mêmes les enfants, sont endoctrinés de telle façon qu’ils se doivent de se dénoncer les uns les autres, quels que soient leurs liens de parentés ou non), il va tenter de se révolter malgré tout. Il tombe amoureux de Julia. Julia qui rêve tout comme lui d’ un monde meilleur.

Que va-t-il se passer ? Vont-ils réussir ? Il a eu un « avant la révolution », lors de la « prise de pouvoir du parti », y aurait-il un après ? Vont-ils être aidés ? Quelle sera l’issue qui attend nos personnages ?

L’adaptation : Vu « la façon dont le monde évolue pour l’instant et nous ramène hélas à l’œuvre visionnaire de George Orwell » raconte Thierry Debroux, « il n’est donc pas étonnant que lorsque je me retrouve autour d’une table avec des collaborateurs du Théâtre de l’Éveil et du Théâtre Royal du Parc, 1984 apparaît plusieurs fois dans la liste des nouveaux projets ». Et on ne peut qu’adhérer à cette idée d’adaptation théâtrale ! C’est donc ainsi que Debroux va mettre en scène Winston Smith, le protagoniste de l’histoire. Smith écrit un journal intime dans le roman, mais Thierry décide de créer un personnage qui évoluera tout au long du spectacle comme étant sa pensée intime. En effet, il ne « croyait pas trop à l’idée de se servir de ce journal, alors que Winston devait l’écrire à l’insu des caméras hyper-présentes ». La pensée, elle, ne peut être entendue par les nouvelles technologies mises en place par Big Brother ou… est-ce possible de ne plus pouvoir penser sans être là aussi espionné ? Il faudra, bien évidemment, aller voir le spectacle pour le découvrir. Vous l’avez compris, l’action principale se passera dans la tête de ce héros près à tout pour la liberté. Et, pour entrer dans « cette intimité des sentiments des personnages » tout au long du spectacle, Debroux aura également recours à des chansons. La musique permettra alors à Smith « de chanter ses états d’âme ».

Une façon particulière de nous proposer 1984 : un ensemble très réussi.

La mise en scène : L’Épatant Patrice Mincke ! Ce n’est pas la première fois qu’il collabore avec le Théâtre Royal du Parc notamment avec « Le Noël de M. Scrooge » ou « L’Avare ». Mais pas seulement, puisque cet artiste belge, comédien, auteur et metteur en scène cumule les prix et les théâtres où il se produit. Et pour 1984, il fait fort, bouscule les esprits, attrape le public incapable de détacher les yeux de la scène. Un décor judicieux, inventif, extraordinaire. Un théâtre pas comme les autres, où cinéma et scène se marient à la perfection. Couleurs, musiques, ambiances glauques et futuristes. On salue également le travail d’une équipe épatante tant du point de vu sons, que lumières, costumes, vidéos, etc.

« Imaginez un monde où la technologie permet à certains de connaître nos moindres faits et gestes, nos moindres pensées. Imaginez… » Commence par nous dire Patrice Mincke.

L’Auteur : Romancier, critique littéraire et chroniqueur, George Orwell, le visionnaire. Son œuvre la plus célèbre : 1984.

Mise à part l’admirable adaptation de Debroux, que serait l’excellente mise en scène de Mincke sans le roman de George Orwell ? Né « Eric Blair » en 1903 à Motihari (en Inde) et décédé à Londres en 1950, Orwell (pseudonyme qu’il empreinte dans les années 30) le visionnaire situe le déroulement de l’histoire en 1984. Si toute la complexité du roman issu de son imagination débordante et extraordinaire n’étonne pas aujourd’hui (en effet, tout est désormais envisageable tant la technologie et les mentalités ont évolué en mode vitesse grand V), 1984 c’’est un peu trop tôt, même si les signes d’une future réalité technologique pointaient déjà à l’horizon. L’idée d’une telle société fait froid dans le dos (pas si surréaliste que cela) et pour cause… Orwell a vécu durant la période 40-45, une période où le totalitarisme marque les esprits et les actes tel le concept qu’il créé avec cette œuvre : le terrible Big Brother. Ce monde où tout est sous contrôle et où la liberté n’existe plus n’est pas sans rappeler justement cette époque bien noire avec le nazisme mais aussi, hélas, celle de nos jours avec un Trump en action entre autres personnalités du monde politique international plutôt flippants. Qualifié parfois « d’anarchiste » Orwell, révolutionnaire dans l’âme, se prononce contre l’impérialisme britannique, contre la guerre, est engagé dans la lutte pour la justice sociale et le socialisme libertaire et démocratique, et contre les totalitarismes nazi et soviétique. Il participe cependant à la guerre d’Espagne où il se rend, à la base, pour écrire des articles et finit par se battre. « Big Brother » un terme utilisé encore de nos jours pour faire référence, notamment, aux techniques modernes de surveillance, un état policier. Tout comme « orwellien » que l’on trouve dans le dictionnaire et qui rappelle l’univers totalitaire des écrits de l’auteur. Extraits du livre : « À une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire » ; « Ils ne se révolteront que lorsqu’ils seront devenus conscients et ils ne pourront devenir conscients qu’après s’être révoltés ».

Les comédiens (*) : S’il est vrai que tous(tes) les comédien(nes) contribuent à un spectacle haut en couleurs et en performance, on remarque particulièrement Guy Pion (O’Brien) et Fabian Finkels (Winston Smith) qui valent, sans aucun doute, le détour.

Un « climat de peur et d’insécurité », Orwell plus actuel que jamais : « La guerre c’est la paix, La liberté c’est l’esclavage, L’ignorance c’est la force ». Alors ? Froid dans le dos ? : Exceptionnel 1984 !

J’y vais absolument !

Julia Garlito Y Romo

(*) Comédiens : Perrine Delers (Magda Parsons) / Julie Dieu (Androïds) / Béatrix Ferauge (L’antiquaire) / Fabian Finkels (Winston Smith) / Muriel Legrand (Julia) / Pierre Lognay (Syme) / Guy Pion (O’Brien) / et les enfants (Lisbeth Parsons) : Ava Debroux, Laetitia Jous ou Babette Verbeek. La foule : Pauline Bouquieaux ; Johann Fourrière ; Laurie Quenantin ; Vanessa Kikangala ; Barthélémy Manias-Valmont ; Romain Mathelart ; Frank Moreau et Lucie Verbrugge.

Assistanat à la mise en scène : Melissa Leon Martin / Scénographie et costumes : Ronald Beurms / Lumières : Laurent Kaye / Musique originale : Laurent Beumier / Vidéos : Allan Beurms / Maquillage : Urteza Da Fonseca / Chorégraphie : Johann Clapson et Sidonie Fossé + toute une équipe excellente, trop longue pour tous les énumérer ici.

Une adaptation réalisée sur le roman “Mille neuf cent quatre-vingt-quatre” de George Orwell (Copyright, 1949) avec l’accord de Bill Hamilton, ayant droit au patrimoine littéraire de la défunte Sonia Brownell Orwell.

Une coproduction du Théâtre Royal du Parc, du théâtre de l’2veil et de la Coop a.s.b.l.

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