« L’EMPREINTE DU VERTIGE », UNE RESILIENCE

l'empreinte

CRITIQUE. « L’empreinte du vertige », écriture d’Angèle Baux Godard; mise en scène : Clément Goethals ; jeu : Angèle Baux Godard & Jeremy David – Au Théâtre des MARTYRS à Bruxelles jusqu’au 31/03/ 2019 (Co-production Théâtre des Martyrs / Le Rideau de Bruxelles).

La forme. Une performance théâtrale entre réalisme et conte : l’histoire d’une résilience, au-delà des tabous.

Élisa doit rentrer chez elle, un évènement important l’attend. Jeanne, sa fille, et son mari y sont déjà. Elle est au volant de sa voiture, et soudain, percute une… panthère ! Le choc l’amène à dévier de son parcours initial pour continuer son chemin vers le Sud. Les souvenirs se bousculent dans sa tête. Elle retrace son enfance, et toutes les autres facettes de sa vie jusqu’à la femme qu’elle est devenue. Un récit étrange, teinté de suspens, … un drame ? Que va-t-elle révéler, de quoi va-t-elle prendre conscience ? Un voyage vers le passé, un pas vers l’avant, peut-être… une résilience ? Des mots qui percutent, marquent et guérissent.

L’auteure , les comédiens : Angèle Baux Godard dit avoir « vomi le texte » : le « vaginisme » cette pathologie dont on parle peu, est incomprise alors que son déclenchement à de multiples sources. Sujet tabou, il peut traumatiser et angoisser celles qui en souffrent, parfois, durant des années. Suite à des lectures approfondies et après avoir interviewé de nombreuses femmes, Angèle s’y intéresse de près. Tant et si bien qu’elle décide d’écrire un texte s’inspirant du vécu de ces femmes qu’elle a rencontrées, mais surtout écoutées, puis de le jouer. Et pour se faire, elle va s’entourer d’une très belle équipe, dont, entre autre, le musicien et compositeur Jeremy David (*), et Clément Goethals (**) pour la mise en scène (Goethals avec qui elle collabore d’ailleurs étroitement). David est sur scène avec Angèle. Une présence importante. Il brille alors même qu’il ne prononce pas un mot. Tout est dans le regard, dans les gestes, dans la musique où le son se mélange aux couleurs des sens : batterie, guitare, objets et autres instruments surprenants. Ce musicien étonnant va créer sur scène, avec l’excellente Angèle Baux Godard, une ambiance tout en douceur, en tendresse, mais aussi des moments énergiques et forts, qui maintiendront le public presque sans souffle, pour ne pas faire de bruit et ne rien perdre de l’histoire. Angèle raconte Élisa passant par diverses phases de sa vie, dans le désordre pour mieux comprendre où et quand Élisa en est arrivée là.

À travers ce texte, l’auteure met la lumière sur le sentiment de culpabilité ressentie par la femme après une agression ; le sentiment que lui fait ressentir l’entourage ; la difficulté de parler après le drame ; la souffrance et les non-dits ; et surtout la « honte ». Une honte qui est « partout » selon l’artiste, « il ne concerne pas que l’agression sexuelle ou une pathologie comme le vaginisme mais aussi l’impuissance, le glamour, le jeunisme, le rapport à l’échec » (propos recueillis par Juliens).

La mise en scène : Pour le jeune Clément Goethals, qui signe cette belle mise en scène avec la complicité d’Angèle, il s’agit d’un « entre-deux » : une histoire qui tient à la fois d’un conte et d’une réalité. Il y mêle douceur et tendresse sans pour autant minimiser le côté dramatique de l’histoire. Un décor simple pour ne pas créer trop de distance avec les mots d’Angèle. Un travail sur l’évocation ; un paysage où matières, ombres et lumières, créent un suspens entre humour, drame, douceur, poésie, musicalité. Un côté un peu “ring pour aider à parler” nous dit Clément, “plus dans l’ordre du conte pour permettre de respirer rythmiquement et éviter de tomber dans la revendication ou le one-man-show. L’ensemble provoque chez le spectateur une infinie envie d’empathie pour Élisa.

Le débat : Après la performance, une rencontre thématique animée par Cédric Juliens (***) a eu lieu entre le public, les acteurs/auteure/metteur en scène et Marie-Jeanne Segers, psychanalyste, professeure émérite de l’Université Saint-Louis et auteure de deux ouvrages : « De l’exil à l’errance » et « Lettre à un jeune clinicien ». Les thèmes abordés ont bien évidement tourné autour du contexte de la pièce, le vaginisme ; sur la question du « corps féminin », le « corps intime » ; la question de la résilience et du « Comment peut-on continuer à vivre et dépasser l’adversité de la vie justement ? ».

« Résilience, un mot qui vient de la conscience, un mécanisme de la volonté de vivre. De cette pièce, on sort guéri » nous dit Marie-Jeanne Segers.

« L’empreinte du vertige » : « C’est parler pour la femme qui ne parle pas » nous dit encore Marie-Jeanne Segers. J’y vais !

Julia Garlito Y Romo

(*) Jérémy David, intègre en 2003 la formation PRO Musica dans le Vaucluse. Obtient : DEM spécialité batterie et un DEUG en Musicologie en 2006. Différents projets musicaux à son actif (notamment dans la région de PACA). Des styles variés, principalement dans la « veine Rock alternatif ». Débarque à Bruxelles en 2010. Collabore et fréquente avec/le milieu théâtral, notamment l’INSAS. Un artiste très intéressant, à suivre assurément !

(**) Clément Goethals, metteur en scène et scénographe, plusieurs spectacles à son actif, également comédien/acteur : nomination comme « meilleur espoir masculin » pour « Le Garçon de la piscine » de Salvatore Calcagno créé au théâtre des Tanneurs. La liste est longue pour ce jeune et talentueux artiste.

(***) Multifonctions : Cédric Juliens est metteur en scène, comédien et enseignant. Prix de la critique « meilleur espoir » pour « Modèles Vivants ». Collaborateur de la revue « Scènes » et du magazine « Nouvelles de danse ». Auteur de livres, notamment : « Radiographie d’un enseignement » et « Le corps intime » (travail et réflexions sur les soignants). Juliens aime « explorer la question du langage à partir du théâtre, de la dramaturgie, la philosophie, l’anthropologie aussi, et même les recherches corporelles. Il anime de nombreuses interviews, dont celles pour le Rideau de Bruxelles. Il enseigne la dramaturgie à ARTS2 (voir le site).

Scénographie : Clément Goethals / Assistante scénographie : Hélène Beutin / Stagiaire scénographie : Nathalie Moisan / Création lumières : Amélie Géhin / Création sonore : Jérémy David / Création costumes : Marine Vanhaesendonck /Conseil maquillage : Sarah Guinand / Chargé de production : François Gillerot / Chargée de diffusion : Claire Alex / Photographies : Serge Gutwirth

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