« LE DIREKTØR » : GOMEZ MATTA EXPLORE LE « MANAGEMENT » AU THEÂTRE

CRITIQUE. « Le Direktør » d’Oscar Gómez Matta, du 12 mars au 4 avril 2019 au Théâtre de la Bastille à Paris. 

Une cuisine où l’on concocte des recettes? Un laboratoire où l’on expérimente des processus? Une salle de sport où l’on souffre pour entraîner son endurance, sa force ou sa souplesse? Un échiquier virginal où les pièces croient en leur liberté? Le décor est posé.

Le patron d’une start-up embauche un comédien au chômage pour jouer son propre rôle et ne pas assumer ses décisions impopulaires. C’est le thème de cette comédie signée Lars Von Trier et adaptée par Oscar Gomez Mata, Cie L’Alakran.

Mine de rien, cette pièce contemporaine virevoltante, drôle et même quelquefois hilarante, présente le monde du travail en entreprise avec causticité, ironie et pas mal de réalisme. Ravn, le créateur de cette exploitation, cache son rôle de responsable en inventant un directeur, jusque là invisible, pour éviter la critique de ses décisions impopulaires. Lorsqu’il décide de vendre son entreprise et licencier son personnel, il engage un comédien pour jouer le rôle du « directeur de tout » et ainsi échapper aux griefs de ses collaborateurs. Comédien qui endosse ce rôle avec un professionnalisme engagé (dans la pièce et dans l’entreprise!).

Le parallèle entre théâtre et entreprise est bluffant. Les relations humaines (RH…) font l’objet d’une analyse aussi pertinente que burlesque. D’ailleurs les spectateurs sont inclus en tant que témoins par le jeu des comédiens qui s’adressent continuellement à eux par le regard. Est-ce le comédien, le chef d’entreprise ou le personnage qui nous interroge? Au coeur de la pièce trône la manipulation des esprits, reine de la société actuelle. Côte à côte avec le besoin d’amour et de reconnaissance de chacun.

Personne ne souhaite être tenu pour responsable du malheur des autres, en revanche le rôle de consolateur est admirable et entraîne forcément une meilleure estime de soi. Ce direktor est très lâche, il veut l’argent de la vente et l’amour de ses collaborateurs manipulés. Le beurre et l’argent du beurre…

C’est là qu’entrent en scène les techniques de manipulation. Une perversion qui deviendrait une règle du management? A ne pas confondre avec le talent d’influence, face positive d’un bon chef d’entreprise. Car l’autorité n’est plus de mise dans les entreprises occidentales. L’une de ces techniques de manipulation est d’ailleurs citée dans la pièce : « la pêche à la ligne ». Créer une connivence? Bonimenter? La fin justifie-t-elle les moyens? Une comédie percutante et jubilatoire!

Culturieuse
Vu au Vidy-Lausanne en novembre 2017.

Photo Steeve Iuncker-Gomez

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