« BIGRE » : OUAF OUAF… MDR LOL XPTDR… FLOP… ETC.

CRITIQUE. « Bigre », Pierre Guillois / Compagnie le Fils du Grand Réseau – au Carré Colonnes, Saint Médard (Bordeaux), les 13 et 14 février 2019.

« Bigre »… ouaf ouaf… mdr lol xptdr… flop… etc.

Ça commençait pourtant bien… Sur le plateau, trois chambres de bonne sous les toits, présentées en plan de coupe, dévoilant chacune – à la manière de « La vie mode d’emploi » de Georges Perec – l’intimité de leur occupant avant qu’il n’apparaisse « à l’écran ». Ainsi, côté jardin, la première chambre d’un blanc immaculé avec technologie de pointe ne souffrant aucun désordre, sera occupée par un geek bedonnant en costume impeccable et casque intégral de motard ou de scaphandrier. Côté cour, la dernière se présente comme le cocon capitonné rose bonbon d’une novice adepte New Age plutôt sexy entendant faire bénéficier généreusement ses voisins de palier des bienfaits de ce qu’elle est en train de découvrir dans les revues de médecines douces propres à réaliser le potentiel physique, psychique et spirituel de tout un chacun. Quant à celle du milieu, prise comme dans un serre-livres par les deux autres, elle est pour le moins bordélique avec une multitude d’objets de bric et de broc s’entassant dans un désordre digne de Gaston Lagaffe et obligeant son hurluberlu barbu de locataire à dormir dans le hamac suspendu au-dessus de sa caverne d’Ali Baba-Cool.

Jusque-là tout va bien… Ensuite chacun va faire son entrée à sa manière (Cf. plus haut) confirmant ce que l’on savait déjà de chacun d’eux. S’ensuivra une (très) longue série ininterrompue de gags – sans parole mais non sans bruitage – aussi « surprenants » que ceux des séries télévisuelles qui font florès sur le petit écran en prime time pour attirer les spectateurs.

Pêle-mêle on aura droit – prenez votre souffle – au claquement des mains pour commander la sortie automatique de toilettes qui parfois s’ouvriront inévitablement de manière intempestive, au produit de nettoyage puissant versé par inadvertance dans le bocal du poisson rouge, à la ventouse à déboucher pour aspirer ledit poisson évacué malencontreusement dans la tuyauterie, à la sempiternelle moustique femelle venant briser la quiétude des nuits du vrombissement aigu de ses ailes (chacun des trois ayant sa méthode bien à lui pour faire taire l’horrible bestiole), à la maladresse du bricoleur-mâle maniant la perceuse et le mètre avec tant d’habileté qu’il transforme ses cris en essai cantatoire, à l’inexpérience de l’adepte des postures de yoga qui au lieu de débloquer les chakras de son voisin bloque le squelette de l’infortuné, à l’inévitable drague entre ces deux hommes esseulés et cette femme tout autant avec jet de string à l’appui suivi après fête alcoolisée de séances aux toilettes pour les entendre très distinctement chacun à leur tour déposer bruyamment par les orifices choisis de leur corps – le panel est complet – ce que la sublime machine humaine produit de secrétions liquides ou solides en un tel lieu nommé opportunément d’aisances, aux essais de karaoké foireux du geek s’égosillant, au bronzage seins nus sur les toits de la belle dérangée par l’éternel voisin-voyeur frustré aux jumelles et ensuite par l’hélicoptère tout aussi vicieux, aux mèches de cheveux brûlés par la fausse teinture qui s’envolent sous l’effet du sèche-cheveux, au lapin de compagnie qu’on élève avec moult faveurs et qu’on pleure quand on vient à le manger soi-même, à l’aspirateur récalcitrant qui rejette les flots de poussières inspirées, au vent malin faisant s’envoler la perruque de l’un et le soutien-gorge de l’autre qui atterrissent d’évidence dans les appartements opposés, à la perruque du geek échouant dans la casserole et qui sera servie immanquablement en potage avant de finir chewing-gum lors d’un baiser d’enfer, à l’apprentie soignante qui saigne le patient sous l’effet d’une prise de sang gargantuesque remplissant des jerricanes entiers, au ventre rebondi de la locataire… mais qui peut donc bien être le père ? aucun des deux occupants c’est un troisième, enfin au happy end où autour d’un verre les trois occupants fêtent ensemble un premier anniversaire… Ouf !!!

En fait non… C’était là une fausse sortie. En effet dans un rebondissement à se tordre de rire les boyaux (sic), les trois compères réunis dans l’appartement du geek, verront sous leur nez médusé surgir les toilettes automatiques d’où – cerise sur le gâteau (euphémisme à déguster) – jaillira un jet de matières marronnasses liquides à l’identité faisant peu de doute et recouvrant de la tête aux pieds les trois loosers. Cette fin stricto sensu « merdique » mérite d’être appréciée à sa juste valeur, elle fait « figure » de label à décerner à cette forme déjà il est vrai « auréolée du Molière 2017 de la meilleure comédie ».

On mettra fort généreusement au crédit de cette performance muette – qui laisse sans voix mais non sans mots – la manipulation à vue de la mouette reliée à une longue perche, celle de l’hélicoptère jouet téléguidé, ainsi que la toile ayant servi de ciel venant se froisser sous l’effet délibéré d’une manipulatrice à découvert. Les coulisses méritaient, elles, d’être dévoilées.

Que l’on puisse justifier ce précipité de gags dévoyés – bigrement usés jusqu’à la corde et exploitant lourdement sans vergogne aucune les ressorts éculés des gentils nunuches anti-héros souffrant de solitude urbaine et trouvant accessoirement autour du miam-miam-caca-boudin-pipi partagé un peu de réconfort – par un retour aux origines du burlesque, que l’on tente d’associer cette formule resucée aux noms des Buster Keaton et autres Charlie Chaplin, icônes eux du cinéma muet, semble pure hérésie. Cela relève tout bonnement de l’appropriation frelatée de biens culturels tentant à créditer ce qui n’a pas vocation à l’être, un détournement de fonds à bon compte… d’auteur.

Yves Kafka

Prochaines dates, à éviter soigneusement donc :
Auch (32) Mardi 19 février, Circa, Pôle National des Arts du Cirque
Toronto (Canada) Du 11 au 28 avril, Berkeley Street Theatre, Canadian Stage pauvres Canadiens !
Paris (75) Du 4 au 30 juin, Théâtre du Rond-Point pauvres Parisiens !

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