CRITIQUE. « MUSICA DEUXIEME » – De Marguerite Duras – Mise en scène par Guillemette Laurent – Avec Catherine Salée et Yoann Blanc – Théâtre de Namur – Grande Salle -, Place du Théâtre 2, 5000 Namur – jusqu’au 08/02/2019
Le texte / La scène : Trois ans déjà, ou peut-être quatre, qu’Anne-Marie Roche (Catherine Salée) et Michel Nollet (Yoann Blanc) ne s’étaient plus revus. Mariés, puis séparés, ils vont maintenant divorcer. Le mot résonne comme le glas dans leurs pensées perturbées par cette rencontre « obligée » : la rupture définitive !
Une table, des chaises, un fauteuil et le hall de cet hôtel à Évreux. Ils s’y retrouvent après l’audience. Un hôtel pas comme les autres puisqu’il a été le théâtre de l’amour entre deux êtres, un jour, deux jours, trois mois, enfin, à peu près. Quelques mois dans une chambre. La numéro 3 ? Quelle importance puisque c’était avant l’entrée dans LA maison. Celle en travaux. Celle dans laquelle, ils ont sans doute commencé à comprendre qu’ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre. Ou si ? Ce sont-ils vraiment aimés avant de jeter les vêtements par la fenêtre, de ne plus se comprendre qu’à travers la violence des mots, l’incompréhension, les doutes, la rage, la fuite?
Il se souvient comme elle était belle. Elle n’a pas changé. Elle se souvient comme il l’avait attirée, irrésistiblement, alors qu’elle aimait tant traîner dans les bars. Alors, pourquoi ? comment en sont-ils arrivés là ? Des envies de meurtre pour lui, de suicide pour elle.
Aux sons de jazz, de Beethoven et de musique populaire (« choisis par l’auteur ») le « couple » va d’abord s’asseoir côte à côte et faire la lecture de leur texte au public, « troisième » personnage de ce « vaudeville » particulier, incluant les silences, les pauses, les gestes. Ils nous expliquent le décor, les intentions. Les spectateurs souriront, riront parfois, écouteront avec attention, suivront les personnages sur la grande scène, épurée, simple. Les sentiments vont se confondre. Émotion, délicatesse, tendresse, puis jalousie, tristesse et résignation. Leurs lèvres prêtes à s’effleurer, puis le regard fuyant, le visage détourné. Les regrets, le mal-être, les reproches aussi, et l’impossible retour. Ils ont une nuit devant eux pour y repenser, pour y réfléchir. Vont il y parvenir ? Impossible retour ?
Pour le savoir, rendez-vous avec Catherine Salée et Yoann Blanc, tous deux, superbes sur scène.
L’auteure / Mise en scène / Adaptation : Avec sa petite touche autobiographique, Marguerite Duras avait le don de raconter les histoires. On peut dire que la metteure en scène Guillemette Laurent ose toute en finesse ! Une magnifique mise en scène simple mais particulière qui met en valeur, non seulement le texte de l’auteur (1985 pour « Musica II », vingt ans après « Musica », 1965), mais les deux comédiens. Pas évident lorsque l’on sait que Duras en avait écrit plusieurs versions, dont une pour un film. Marguerite qui « écrit le texte comme une partition » souligne Guillemette. La musique, le jeu des lumières, l’espace sur scène. Le goût pour la voix sans micros, du vrai théâtre qui vient à point dans la splendide grande salle du Théâtre de Namur. L’un des plus beaux de Belgique.
Et vous qu’auriez-vous fait ? Peut-on aimer encore après avoir vécu l’amour, le vrai, le premier, le seul ? Idyllique dites-vous ? Pas si sûr.
« MUSICA II », la séparation d’un couple ou comment se détruire, jusqu’au 08/02/19 au Théâtre de Namur. Ce spectacle se jouera à Soignies en avril 2019 ; à Bruxelles en mars-avril 2020 au Théâtre des Martyrs et également en France : Lille, Strasbourg et Bretagne, entre autres.
Alors, on y va ? Moi, J’y retourne !
Julia Garlito Y Romo
Scénographie et Costumes : Christine Grégoire et Nicolas Mouzet-Tagawa – Création lumière : Julie Petit-Etienne.
Photo Michel Boermans