UN « MACBETH » SOMBRE ET GLAUQUE DE GEORGES LINI

CRITIQUE. « MACBETH » – d’après William Shakespeare – Mise en scène de Georges Lini – Théâtre Royal Du Parc – Bruxelles – jusqu’au 16/02/2019. 

MACBETH : à ne pas prononcer haut et fort pour ne pas porter malheur.

Le texte / La scène : Un meurtre. Et puis deux. Ou plus encore. Macbeth tue. Avide de pouvoir il sombre dans le cauchemar, dans les ténèbres de l’ambition, du crime, de l’angoisse et des remords. Il voulait la couronne, le prix à payer est bien plus conséquent qu’il ne l’aurait cru. Lady Macbeth n’y est pas pour rien. Persuasive à souhait elle le guidera au-delà des doutes vers l’abîme. Les sorcières poussent le malheureux vers la voie qu’elles lui promettent, celle d’être Roi ; leurs dires agrémentés de mensonges ou détournés le moment venu, vont faire tomber Macbeth dans l’abîme de la folie.

Trahison, amour, guerre, jeu de pouvoir, magie noire, sang, boue, politique, autant d’ingrédients réunis dans ce drame au milieu des contrées d’Ecosse, mais ce pourrait être n’importe où, ailleurs.

Mise en scène / Adaptation : Comme toujours, Georges Lini s’entoure de très bons comédiens pour ses pièces, et Macbeth n’échappe pas à la règle. Avec Itsik Elbaz dans le rôle de Macbeth, il fait fort, mais pas seulement puisque Luc Van Grunderbeeck dans celui de Duncan porte haut la couronne, ou encore Félix Vannoorenberghe remarqué sur scène dans la peau de Malcom. Toute la troupe fait de cette adaptation un spectacle à la sauce contemporaine qui fait mouche. Une « épreuve physique » pour chacun d’eux, on peut le dire. Flippantes aussi, les trois « sorcières-infirmières ».

Les comédiens évoluent dans un décor glauque et angoissant, faisant penser à un asile psychiatrique. Pluie torrentielle (« réelle ») sur le plateau ; scènes filmées en direct ; la très belle scène du théâtre Royal Du Parc transformée en chaos de haut en bas, avec un écran géant, la boue, le sang, les lumières bleues, grises, vertes (bravo à Jerôme Dejean) plongeant le spectateur dans un univers de désastre imminent.

Pour Lini, il est clair que l’œuvre du génial William a beau avoir été créée en pleine époque médiévale, elle n’en reste pas moins criante d’actualité. L’humain est -il à ce point incapable d’apprendre de ses erreurs ? Son chemin, toujours et encore, est semé par le chaos, le désordre, la mort et l’injustice. Il réussit une interprétation décalée mettant au goût du jour Shakespeare. « Faire résonner le présent à travers cette œuvre -nous dit Georges Lini- renouveler la perception et faire surgir des réponses neuves », « faire du présent avec ce qui n’est pas d’aujourd’hui ».

Bien que les dialogues conservent en partie l’empreinte du grand maître anglais, pour cette version moderne, Lini ajoute sa touche particulière : « un Macbeth sans armure », « un miroir de notre époque ». Ainsi Macbeth chante, et certaines scènes sont déclamées face au public et non entre personnages. Un aspect curieux qui peut donc prêter à confusion.

Mise à part quelques détails perturbants comme les micros réclamés délibérément par les comédiens ou certaines scènes surréalistes déroutant du fil du drame, il est vrai que le spectacle vaut le détour.

Le public habitué aux performances artistiques de Lini, le sera sans doute un peu moins dans celle-ci, mais il épate une nouvelle fois en adaptant « Macbeth ».

Vivement la prochaine création de ce metteur en scène de génie ! Macbeth ou « le syndrome d’hubris »: je découvre ! (Attention : spectacle déconseillé aux moins de quatorze ans)

Julia Garlito Y Romo

Les comédiens : Anouchka Vingtier (Lady Macbeth) ; Itsik Elbaz (Macbeth) ; Luc Van Grunderbeeck (Duncan) ; Stéphane Fenocchi (Banquo) ; Didier Colfs (Macduff) ; Jean-François Rossion (Lennox) ; Félix Vannoorenberghe (Malcom) ; Nicolas Ossowski (Ross) ; Thierry Janssen (Seyton) ; Ingrid Heiderscheidt (Sorcière 1) ; Louise Jacob (Sorcière 2) ; Muriel Bersy (Sorcière 3). Assistanat à la mise en scène : Margis Benamor ; scénographie et costumes : Thibaut De Coster et Charly Kleinermann ; création lumière : Jerôme Dejean ; vidéo et son : Sébastien Fernandez ; direction musicale : Daphné D’Heur.

 

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