« PROPAGANDA », DIABOLIQUE !

CRITIQUE. « PROPAGANDA », Texte et mise en scène de Vincent Hennebicq – avec Achille Ridolfi, Eline Schumacher et Julien Courroye – Théâtre Les Tanneurs – Bruxelles – jusqu’au 02/02/2019.

L’histoire (basée sur le livre et la vie de Edward Bernays) : Lui, c’est Edward Bernays. Il est invité sur le plateau de « Une nuit avec Michel ». Le journaliste de l’émission accueille ce personnage qui a traversé le temps en influençant le cours de celui-ci par des actions de propagande hallucinante. Neveu de Freud, il utilise dans ses desseins, la psychologie humaine pour mieux amener les hommes et les femmes vers des habitudes de consommation ou de comportement. Il raconte, sans aucun regret ni scrupules, mais avec une empathie et un charme bluffants, la façon dont il est parvenu à faire renverser le gouvernement du Guatemala, ou transformer la cigarette en un phénomène de mode incontournable auprès des femmes. Le tout avec des stratégies surprenantes et diaboliquement efficaces. Projections cinématographiques, musique, décor du studio, tout est là pour attirer dans ses filets le public « naïf ».

Bernays est en effet diabolique. Diabolique et à la fois altruiste. Il ne semble avoir aucune émotion quant aux conséquences de ses enseignements effrayants, qui, si l’on s’arrête sur la mise en pratique de ces dernières, ont fait bien des dégâts. Laissera-t-il de glace le présentateur de l’émission ? Comment réagirions-nous à sa place ? Faisons-nous partie de ces 95% de personnes manipulables ? Si je vous dis : Fumez, c’est bon pour la santé… Le ferez-vous ? Ou encore mangez du bacon tous les jours, vous ne vous en sentirez que mieux… Là encore, le ferez-vous ? Et si nous parlions de votre voisin, ou des migrants, ou encore d’autres, le but étant de vous faire haïr votre prochain, car il nuit à votre profit ou à votre vie… Me suivrez-vous sur cette voie ? Non ? N’en soyez pas si sûr, ce n’est qu’une question de stratégie, de … manipulation !

« une conférence télévisée dans un théâtre »

La mise en scène : À la fois comédien, auteur et metteur en scène, enseignant, lorsque le belge Vincent Hennebicq crée un spectacle, on le note dans son agenda et on ne manque pas d’y assister ! À son actif, bien sûr, plusieurs spectacles (près de 90) dont l’excellente mise en scène de « L’attentat » de Khadra (voir critique BDO-T) ou encore l’histoire vraie d’un enfant noir qui grandit en Autriche et va se retrouver en Éthiopie « Going Home ». Ses sujets de prédilection : l’homme et sa quête de liberté, les aberrations et absurdités de ce monde, la question de l’identité, des thèmes d’actualité forts.

Bombardés que nous sommes par « la profusion de messages que nous subissons dans notre quotidien », avec « PROPAGANDA » Vincent Hennebicq « espère faire travailler l’esprit critique du public ». Et il y réussit ! On n’en sort pas indemne. Il souligne cependant le côté « politiquement incorrect » du spectacle. Bien que la publication du livre de Bernays « Propaganda ou comment manipuler l’opinion publique en démocratie » ait été publié en 1928, il n’en reste pas moins d’une actualité cruciale, souligne Hennebicq.

Un petit mot sur les comédien/ne/s : Comédienne et metteure en scène belge, meilleur espoir féminin au prix de la critique 2015 pour son rôle dans « Le Bouc », on peut dire que Eline Schumacher ne passe pas inaperçu. Parfaite dans ses trois rôles dans « Propaganda » : une publicitaire, la femme de Barney et une actrice.

Chanteur, musicien, preneur de bruit pour le cinéma, créateur de son (notamment dans ce spectacle-ci), Julien Courroye est aussi comédien. Le voilà donc journaliste et un spin doctor, ou encore musicien dans « Propaganda » et on y croit !

Et puis il y a le talentueux Achille Ridolfi ! Ce n’est pas la première fois que ce comédien liégeois se fait remarquer, pas seulement sur les planches (nombreuses pièces, pour n’en citer qu’une : « Anti-Héros » -voir critique BDO-T) ; on le retrouve également au cinéma (remporte le Magritte du meilleur espoir masculin en 2014 pour son rôle du père Achille dans « Au nom du fils ») ; mais également dans des séries (dont la Trêve II). Dans « Propaganda » il incarne Edward Bernays avec tellement de conviction, qu’il pourrait parfaitement nous manipuler. Ce n’est donc pas pour rien que Hennebicq pense à Ridolfi immédiatement lorsqu’il écrit le texte. L’acteur parfait pour interpréter ce rôle, poursuit Vincent Hennebicq, lors de son interview avec Emilie Gäbelle : « il a cette capacité de pouvoir dire les pires horreurs tout en restant drôle et en provoquant l’empathie ». On ne peut que confirmer ses dires.

***

Drôle, sérieux, amusant, surprenant, impactant, une flèche qui atteint sa cible… « PROPAGANDA » : Mensonge et empathie, un mélange explosif pour rendre la manipulation de masse effroyablement facile. Cher public, vous ne serez pas épargné !

À voir absolument ! J’y vais, c’est certain !

Julia Garlito Y Romo

Création sonore : Julien Courroye ; création et montage vidéo : Aude Esperandieu et Guillaume Hennebicq ; scénographie : Akiko Tagawashi ; création lumière, scénographie et vidéo : Giacinto Caponio ; création costumes : Émile Jonet ; régie générale et lumières : Aurore Leduc ; régie son : Gauthier Poirier dit Caulier : régie et costumes : Rosmary Roig-Zarate ; poursuite lumières : Martin Thomas ; construction et décor : Atelier du Théâtre national et Anne Marcq.

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