« ARIANE (EU)PHONIE » : DU FIL A RETORDRE…

CRITIQUE. « ARIANE(eu)phonie », Soundscape of a refugees’ Greek camp (*) – Texte, mise en scène et chorégraphie de Pietro Marullo – Theâtre VARIA – 78, rue du Sceptre – Bruxelles – jusqu’au 02 février 2019.

« Interrogation de Pietro Marullo sur la réponse politique de l’UE face au flux migratoire vers l’Europe » : Un spectacle visuel et sonore en deux parties :

Partie 1 : la boîte noire, liée à l’actualité

Contexte : Suite à la guerre en Syrie, l’Union européenne et la Turquie signent un traité en 2016 pour la création de camps de réfugiés en réponse à la crise des flux migratoires.

Des vagues. La mer. Nous voilà sur l’Île de Crète dans un camp de réfugiés. Une jeune assistante sociale enseigne le grec et les mythes ancestraux à des enfants. Elle affiche leurs dessins sur un container. À l’arrière du camp, des apiculteurs récoltent le miel noir d’abeilles malades. Ils manipulent les ruches, opèrent des procédés techniques et chimiques qui donneront naissance aux trois osselets de l’oreille interne : le marteau, l’enclume et l’étrier.

La jeune femme est prise de doutes, elle est en crise et se demande si sa fonction dans ce camp est réellement utile à l’aide aux migrants ou si elle fait partie d’un système loin d’être réjouissant. Ne sachant plus ce qu’elle fait, ni qui elle est vraiment, elle va essayer de trouver des réponses en se plongeant dans la mythologie grecque. Les spectateurs vont entrer dans la tête de l’assistante sociale et assister à sa recherche de réponses à travers le mythe d’Ariane remis au goût du jour.

Partie 2 : La boîte blanche, liée au mythe

Le roi Minos (fils de Zeus et d’Europe), Pasiphaé (fille d’Hélios, Dieu du soleil), Thésée (Fils d’Égée -ou Poséidon- et d’Ethra) ; Dédale, au talent exceptionnel, reconnu pour son ingéniosité et son talent artistique, crée le Labyrinthe (une oreille interne dans la pièce de Murillo) – et bien sûr Ariane, fille du Roi Minos et de la Reine Pasiphaé.

Représentée par une enfant de douze ans sur scène, Ariane va être témoin de la malédiction de sa mère, la Reine, amoureuse et brûlante de désir pour un monstre : le Minotaure (à la base mi-humain, mi-taureau, ici, il est mi-oreille, mi-taureau). De l’union de la Reine et du monstre, naîtront le marteau, l’enclume et l’étrier, les trois osselets de l’oreille interne. Minos cherchera à en tirer profit mais Ariane va se rebeller contre son père. Elle traversera l’oreille et rencontrera Thésée avec l’aide de qui, elle essaiera de saboter l’œuvre de son père.

La politique migratoire, les camps, un labyrinthe ? Une oreille interne à l’écoute ? Entendons-nous vraiment les gens, les enfants de ces camps, certains enfermés depuis plus de deux ans ? La mythologie « une traduction symbolique ». Voilà, les questionnements du metteur en scène.

Les deux parties du spectacle baignent dans une ambiance assourdissante de par les bruits qui martèlent les oreilles ; les comédiens ne parlent jamais, juste une voix off de temps en temps et des surtitres.

Le metteur en scène : Pietro Marullo -metteur en scène, performeur, chorégraphe, et j’en passe- réinterprète ici le mythe d’Ariane : « symbolique d’une libération de la tyrannie et d’une mutation du monde ». Pour cet artiste -qui aime travailler le mouvement, la musique et la philosophie, l’art plastique ou encore la sculpture et la danse- s’intéresse à la matière, aux couleurs, aux formes et aux volumes, plus qu’au texte. Un théâtre pas comme les autres, qui tant du point de vue sonore, que visuel interpelle et captive. Marullo se voit comme « un ovni » dans le théâtre, et au vu de ces spectacles, on comprend parfaitement ce qu’il veut dire.

Avec « ARIANE(eu)phonie », Pietro Marullo n’en est pas à ses premières créations du genre, ici, il « s’interroge sur la réponse politique de l’UE face au flux migratoire vers l’Europe », « les exilés sont renvoyés vers le danger qu’ils tentent de fuir, enfermés dans des camps ultra-sécurisés ». Pour lui « Ariane incarne la capacité de remise en question et la lutte contre l’ordre établi ». Marullo : un théâtre politique ? « L’art est un acte politique car il rassemble des gens qui y consacrent une partie de leur temps. Un temps précieux partagé avec les autres ». Dans son théâtre, l’artiste italien tente « d’opérer une sublimation de la réalité ; il ne donne pas de solution mais pose la question ».

Parmi les comédien/nes, Mariana Domingo Tembe, remarquable dans le rôle de la Reine Pasiphaé.

On peut ou pas aimer (certains spectateurs n’ont pas adhéré) mais « ARIANE(eu)phonie », est un spectacle visuellement impressionnant ! Un univers sonore particulier, « métaphorisé et symbolisé ». Si le sujet à la base est un peu écrasé par une mise en scène assez particulière et un mélange d’histoires, on ne peut qu’être sensibilisé par le sujet terriblement d’actualité. Si vous aimez la mythologie, « Ariane(eu)phonie » est un spectacle à voir. Certes, pour un public averti ! Attention, ouïe fragile s’abstenir !

Julia Garlito Y Romo

(*) Paysage sonore du camp de réfugiés Grec

Comédiens : Mélissa Cornu ; Aurélien Dubreuil-Lachaud ; Noémie Knecht ; Mariana Domingos Tembe ; et la participation de : Peter Flodrops ; Claudine Perron ; Rania Gamah ; Nandi-Malyssa Pambe Wayack Geller. / Son : Jean-Noël Boissé / lumière : Pietro Marullo ; Eric Vanden Dunghen / scénographie : Sabine Theunissen, Pietro Marullo, Marine Fleury assistée de Laura Erba / designer concepteur : Jonas Lundquist (sculpture mobile géante), Sacha Feiner (sculptures) / constructeur : Chente De Waele / réalisation des costumes : Raffaëlle Bloch / Assistanat : Noémi Knecht

Un spectacle de Insieme Irréalités sable. Coproduction Théâtre Varia, La Coop as la Schelter Prod.

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