CRITIQUE. « LES MURS MURMURENT » – de et avec : Babetido Sadjo ; mise en scène : Hélène Theunissen. Jusqu’au 19 janvier 2019 – Petite Salle – Théâtre LE PUBLIC – Bruxelles
Un solo autobiographique
Sur scène : Des valises qu’elle porte et dépose. Elle ou lui ? Un retour ou un départ ? Avec son costume-cravate presque trop grand, la jeune femme raconte. Quinze ans se sont écoulés depuis qu’elle a vu son père pour la dernière fois. Mais l’a-t-elle vraiment vu ? L’a-t-elle vraiment rencontré, connu ? Une enfance meurtrie, bousculée par l’absence, l’incompréhension, … les abus. Peut-on vivre pleinement une vie de femme épanouie après tout cela ? Amour, colère, un cri qui déchire l’espace-temps.
Auteure et comédienne, tant au théâtre qu’au cinéma, née en Guinée Bissau, Babetido Sadjo touche à tout : créatrice/auteure, comédienne. Mais pas qu’au théâtre puisque cette excellente comédienne s’est également fait remarquer au cinéma. « Jeune espoir » en 2009 par le Prix de la Critique pour son rôle dans « Le masque du dragon » de Philippe Blasband ; « L’initiatrice » de Pietro Pizzuti (sur l’excision en Afrique) ; on la retrouve dans « Race » de David Mamet ou encore sur scène avec Hippolyte Girardot et Romane Bohringer dans « Terre Noire » de Stefano Massini. Au cinéma, elle est meilleure second rôle (au Ensor flamands) dans « Wasteland » de Pieter Van Hees, ce qui lui vaut d’ailleurs, d’être nominée aux Magritte.
Après avoir vécu en Afrique et au Vietnam et depuis dix-huit ans en Belgique, on peut dire qu’il s’agit d’un beau parcours artistique, et pourtant, Babetido regrette que « la peau noire » soit encore aujourd’hui un désavantage sur les scènes théâtrales belges mais pas seulement. La jeune femme a travaillé dur, notamment sur cette première création qu’est « Les murs murmurent ». Bien qu’en partie autobiographique, Bissau dit s’être également inspiré de femmes ayant vécu des histoires similaires. Cette pièce est une manière de dépasser les tabous provoqués par le silence.
« Les Murs qui murmurent » est un texte fort de Babetido Sadjo, préfacé par Dieudonné Niangouna (auteur de « M’Appelle Mohamed Ali ». Être un garçon aurait-il été différent pour cette enfant en manque de reconnaissance ? D’autres sujets viennent compléter celui du père absent dans cette création, comme celui d’être née fille ou encore celui de l’abus sexuel sur mineure.
S’il est plus qu’évident que ce texte impacte de par son contenu et l’émotion qu’il dégage, il n’en reste pas moins que la mise en scène de ce spectacle est un peu trop longue et peut provoquer un certain décrochage côté spectateur. À cette remarque, l’auteure nous dit que c’est voulu, les temps de pose poussant à la réflexion. Un peu de scepticisme pour ma part et un certain regret pour le manque de musique, qui aurait pu créer un sentiment d’émotion plus intense. À noter, à ce propos, un projet futur très intéressant de Babetido Sadjo, la lecture de certains passages du texte mis en musique. Certainement à découvrir.
« Les murs murmurent » : un spectacle à voir ? À vous de voir. En tout cas, vivement la publication d’un livre !
Julia Garlito Y Romo
Assistance à la mise en scène : Stéphanie Lowette ; regard extérieur texter : Caroline Chisogne ; Scénographie : Noëlle Ginefri ; Décor : Nicolas Janssens ; lumière : Nicola Pavoni ; créateur son : Grégoire Dune : Régie : Matthias Polart.