CRITIQUE. « Bienvenue en Corée du nord » – Mise en scène : Olivier Lopez – Théâtre de Belleville, Paris – Du 13 au 29 janvier 2019.
Difficile de classer ce spectacle tant la proposition est loufoque. Voilà donc une bande de clowns qui nous raconte son dernier voyage en Corée mais qui, de situations absurdes en quiproquos, ne va jamais démarrer normalement son spectacle.
Cela fait maintenant plus d’un demi-siècle que la Corée du Nord, ou plus exactement que la République populaire démocratique de Corée vit coupée du monde dans une sorte d’adoration religieuse pour ses dirigeants, depuis Kim Il-sung, en passant par Kim Jong-il et maintenant par Kim Jong-un, chef suprême du pays, véritable dieu de la nation, sorte de monarque républicain comme toute bonne dictature sait en produire. Ce pays où tout est ubuesque et boursouflé se prête donc parfaitement aux clowneries de cette bande de déjantés qui nous présente ce spectacle.
Sur scène ils sont quatre, très peu d’accessoires et des costumes colorés à la Jango Edwards dont ils ont hérité ce sens du clown irrévérencieux mais jamais complètement méchant, qui se moque avant tout de lui-même et surtout dont on ne connaît jamais exactement les réactions. Et c’est bien ça qui est bon, l’inattendu ! Car de ce spectacle nous n’en verrons jamais le bout. De situations abracadabrantesques en gags avortés mais réellement drôles, les quatre guignols ne parviennent jamais à nous raconter proprement et avec certitude leur voyage en Corée. C’est bien de là que naît l’humour et le rire ! Les comédiens arrivent à nous parler de leur voyage et surtout de la Corée et de l’absurdité de ce régime sans jamais pourvoir terminer le quart du tiers du début de leur voyage. Quelques bribes ici et là suffisent à nous peindre une Corée clownesque et irréelle, hors du temps et des conventions.
Les comédiens, chacun dans son registre mais apportant tous une singularité complémentaire à celle des autres sont tous excellents et réellement drôles. Ils pourraient d’ailleurs presque tous faire un stand-up en nous racontant chacun sa Corée tant ils arrivent à nous faire rire différemment des mêmes choses. Car même si le doute est permis, il ne faut pas oublier que cette troupe est réellement allée en Corée du Nord pendant dix jours et que toutes les anecdotes, bien que loufoques et réécrites, sont vraies.
Un véritable voyage en Corée dit par des clowns qui, sous couvert d’humour, en disent beaucoup sur l’absurdité et la dangerosité d’une dictature et qui nous rappellent, au cas où, que certains peuples d’Europe, enclins à écouter certains discours populistes, ne sont pas si loin de mettre en avant et au pouvoir des politiques absurdes et dangereuses pour nos démocraties.
Pierre Salles