« LES FOURBERIES DE SCAPIN », PODALYDES DONNE TOUTE LA PUISSANCE COMIQUE DE MOLIERE

CRITIQUE. « Les Fourberies de Scapin » – Mise en scène Denis Podalydès, jusqu’au 19 mars 2019 à la Comédie Française, salle Richelieu. Durée 1H45 sans entracte.

Le rideau s’ouvre sur le fond d’une cale dans le port de Naples. À cour, se dresse un imposant échafaudage, en hauteur de grands filets de pêche surplombent la scène. Au centre, tout est calme encore…quand Scapin sort de son trou…le trou d’une cave ? Son antre ? Sa cache ? Son cachot ? …À moins que ce ne soit le trou du souffleur ! Il en surgit cheveux hirsutes, fesses nues, pour nous servir sur ce plateau, presque deux heures durant, toute sa malice, ses stratagèmes, sa goguenardise sur un rythme tout simplement époustouflant !

De la première à la dernière minute, nous voilà embarqués, happés, emballés par une énergie électrisante, communicative, « cartoonesque » presque. Denis Podalydès prend le parti de la farce et s’en donne à cœur joie. Il exprime toute son inventivité, pousse les limites, revisite des scènes mythiques en restant toujours fidèle à l’esprit originel. Lâchés dans l’arène, les comédiens du français survoltés portent avec jubilation cette pure comédie de Molière. Ça monte, ça descend, ça saute, ça tombe, ça danse, ça chante, ça fouette, ça crac , ça gloups et ça waouh même parfois…mais toujours avec justesse et précision pour faire jaillir le rire, pour faire claquer les répliques, pour donner vie à ces situations rocambolesques, pour se payer haut et fort la tête de ces « maîtres du monde» toujours plus avares, plus méprisants, plus ingrats, et ce, pour notre plus grand plaisir. Nous, public, finissons tapant des mains, vociférant Géronte, grognant avec le malicieux valet….. Toute la magie de Molière est là et se réveille en moi, le souvenir enfoui de la petite fille que j’étais qui riait avec éclat, il y a quelques années déjà, en découvrant les fourberies de cet emberlificoteur de Scapin.

Si la troupe du français a su capter toute la puissance comique de cette farce, elle lui apporte un souffle singulier et en montre aussi la férocité. Car derrière le rire, se cache la colère, le désir de revanche d’un peuple floué. C’est d’ailleurs pour lui que Molière a écrit cette pièce. Scapin, grâce à l’excellent et impressionnant Benjamin Lavernhe, révèle un côté « mauvais garçon » aussi irrésistible qu’inquiétant… Didier Sandre incarne un Géronte des plus pathétique, si bien qu’au-delà du rire, il inspire la pitié. Quant à la scène culte des coups de bâtons, Denis Podalydès ose la transformer en une sanguinolente bastonnade. Le rire devient libérateur. Le théâtre, un réjouissant défouloir. Et ça fait un bien fou !

Cela faisait 20 ans que la comédie française n’avait pas produit de nouveau cette pièce. Alors, courez, sautez, filez, foncez pour aller voir ces Fourberies !

Marie Velter

Photos Victor Tonelli

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