« SOEURS », UN DUEL SANS REPIT AUX BOUFFES DU NORD

CRITIQUE. « Soeurs (Marina & Audrey »), Texte, mise en scène et installation de Pascal Rambert du 23 novembre au 9 décembre au Théâtre des Bouffes du Nord. Avec Audrey Bonnet et Marina Hands.

Etes-vous prêts pour un duel d’une violence extrême ? Deux soeurs se retrouvent pour une heure et demi d’affrontement; de vieux règlements de compte refont surface des années après… La mort de leur mère va les réunir pour un moment. La plus jeune des soeurs l’apprend après-coup et reproche à sa soeur de ne pas l’avoir prévenue à temps. Après tant d’années, les amertumes sont restées. Un déversement de paroles et de rage s’abat sur l’une, puis sur l’autre, personne n’est épargnée.

Marina annonce la couleur dès le début: « Tu ne viens pas sur mon lieu de travail ». Hostilité et mépris, l’ambiance est tendue. Alors que l’aînée se prépare pour donner une conférence humanitaire, elles vont tour à tour saccager tout ce qui les entoure et constitue leur(s) identité(s): les choix amoureux, les bifurcations professionnelles, les traumatismes d’enfance… même les chaises en couleur n’échapperont pas à cette destruction violente. Amour et haine, jalousie et frustration. On apprend que, dans leur enfance, la plus jeune copiait désespérément son aînée, championne de natation, qu’elle admirait tant, puis, en grandissant, Audrey s’est démarquée en faisant des études brillantes. Face à sa grande soeur au physique plus imposant, la petite se défend par son intelligence. La parole est son arme. « Si je détruis ton langage, je détruis ton monde ». Marina, qui a toujours été agacée par sa soeur, pâle copie de sa personne, et par le monde en général, s’enflamme, s’insurge face à un monde passif qui observe le cours de l’histoire sans rien faire pour intervenir. Dans les méandres du langage, on sent le poids de la démence de la mère qui pèse sur les deux soeurs. Chacune culpabilisera l’autre, et chacune à sa manière sera porteuse de cette folie.

Le texte a été écrit par Pascal Rambert, suite aux répétitions pour « Actrice » ; face à ces deux forces contraires qui s’affrontent, l’évidence s’est imposée à lui : il devait écrire une pièce pour ces deux comédiennes. On sent que le texte sied aux comédiennes, chacun tire l’autre dans son propre univers avec force et énergie. Pourtant, la pièce peine à convaincre totalement. Malgré une performance extraordinaire de deux comédiennes douées et un texte fin et sensible, on reste avec un goût d’inachevé. A la fin, on en ressort avec un sacré mal de tête, pas de répit dans cette joute oratoire ! Les comédiennes saluent épuisées, en se serrant fort la main, comme pour ne pas tomber, les spectateurs, aussi, risquent de vaciller.

Anouk Luthier

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