« JUSQUE DANS VOS BRAS », IMPERTINENT ET PERSPICACE

CRITIQUE. « Jusque dans vos bras » par les Chiens de Navarre / Jean-Christophe Meurisse – Du 27 au 30 novembre au théâtre de Vidy, Lausanne.

Ne poussez pas, y en aura pour tout le monde! Les lausannois n’ont pas été oubliés hier soir sur la scène de Vidy, pas de langue de bois, mais de vipère, ces Chiens de Navarre!

Une moquette gazonnée pour s’ébattre, débattre et se battre, voilà tout ce qui est nécessaire à cette équipe d’improvisateurs pour faire passer une soirée hilarante au public. Aucun préjugé n’est oublié, tous les sarcasmes sont permis et le politique est enfin incorrect. D’entrée de jeu, nous voilà enfumés et un Monsieur Loyal nous inclut dans son discours de bienvenue, nous mettant en condition : « Je suis en colère, mais je ne me laisserai pas faire ».

Il faut savoir que, selon les dires de Jean-Christophe Meurisse, « les acteurs sont à l’origine de l’écriture. » C’est donc à partir de leurs improvisations que s’élabore un canevas de texte, canevas succinct qui sera utilisé par les acteurs comme point de repère et pour orienter leurs libres interventions. Une forme de théâtre en mouvement et prises de risques perpétuels.

La représentation se découpe en plusieurs épisodes qui se terminent tous en altercations plus ou moins furieuses. Une cérémonie, un pique-nique, un bord de mer, un bureau d’accueil, un salon et même une autre planète. Chaque lieu est astucieusement figuré par quelques accessoires, déguisements ou ameublements.

Comme le souligne un des comédiens : »Le thème est lourd: l’identité nationale ». Vaste question! Tous les poncifs et préjugés seront émis durant la pièce au grand plaisir d’un public hilare, émoustillé par la bêtise de ces clichés et autres propos de bistrot. Durant la scène du pique-nique, tout y passe, et avec jubilation: politique, féminisme, gauchisme, judéité, homosexualité, école, islam, etc. Le public, valorisé par sa distance, se régale de cette dérision qui lui semble si primaire. Et pourtant …les prémisses de certaines pensées secrètes se retrouvent peut-être dans ces désopilants commérages. Pendant que bêlent les moutons, le taureau danse…

Scènes d’anthologie dans le bureau d’accueil des réfugiés où le traducteur et la secrétaire à côté de la plaque font tout foirer. Et les inénarrables arrières-plans, comme ce naturiste qui s’applique à enduire de spray les plus intimes parties de son corps ou cette bourgeoise totalement désarticulée après s’être laissée aller à une démonstration de danse. Même le passé historique témoigne de l’esprit français avec une médiévale et repoussante « Jacquouille » féminine qui séduit un spectateur. Ou encore le saisissant contraste d’un pape noir chantant Johnny Halliday, un alliage qui évoque quelques-uns des tributs incontournables du peuple français.

Humour, dérision, sarcasmes jaillissent sur tous les sujets. Il n’est pas étonnant que l’album d’Astérix le gaulois qui clôt ce voyage en France populiste soit « La zizanie »!

Beaucoup d’éclats de rire donc durant cette représentation dans laquelle la performance des acteurs est d’une efficacité remarquable. L’improvisation est une approche théâtrale risquée qui peut donner lieu à quelques rares baisses d’intensité, cependant l’humour de cette création impertinente et perspicace atteint son but : nous faire rire de nos propres paradoxes.

Culturieuse

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