« DECEMBER MAN », ET SI VIVRE APRES ETAIT IMPOSSIBLE ? BOULEVERSANT !

CRITIQUE. « DECEMBER MAN », un texte de la dramaturge Colleen Murphy ; mise en scène Georges Lini- 17/11/2018 – Théâtre Les Tanneurs, à Bruxelles jusqu’au 24/11/18 à 20’30 (sauf le mercredi à 19’00).

Une tragédie inspirée de faits réels : « December Man », une descente vertigineuse

Montréal, 6 décembre 1989. Marc Lépine a​ 25 ans et est ouvertement misogyne. Il débarque à l’École Polytechnique, armé d’une carabine obtenue légalement, tue quatorze femmes et blesse quatorze autres personnes, dont quatre hommes. Après vingt longues minutes de carnage, il se suicidera. Cette tuerie est la plus meurtrière en milieu scolaire dans le pays. Les conséquences traumatisantes de cet acte odieux feront voter une loi plus stricte (1995) quant au contrôle des armes à feu au Canada. En plus des meurtres et des blessés, le traumatisme atteindra de nombreuses personnes, notamment les élèves ayant survécus. Quatre suicides suivront, dont celui d’un jeune homme qui se trouvait à l’intérieur lors des faits: un an et demi de souffrance psychologique, rongé par les remords de ne rien avoir pu faire, il mettra fin à ses jours. Ne pouvant supporter la douleur, ses parents se donneront la mort un an après lui.

Décidément, Georges Lini, metteur en scène, comédien et directeur de la Compagnie Belle de nuit (créée en 1999), fait une nouvelle fois un excellent choix en mettant en scène ce texte de la dramaturge québécoise Colleen Murphy. Un texte qui met l’accent sur les dommages collatéraux de tels drames. Lini aime les textes forts, impactants, bouleversants de par les faits bien sûr, mais également par leur questionnement. Ces choix, nous dit-il, ne sont jamais « anodins ». « C’est toujours une rencontre particulière, poursuit-il, qui le scandalise et provoque une sorte d’apnée ». « Quelque chose qui l’empêche de marcher », ce que lui provoque la lecture de « December Man ».

Où commence l’enfer ? Est-ce l’attentat, le massacre ou la catastrophe ? Peut-on en guérir ? Ou le pire est-il l’après, ou les deux, ou plus encore ? Autant de questions que se pose ce metteur en scène, talentueux dans bien des sens. Ce n’est pas la première fois donc, que Lini nous prend aux tripes et au cœur, bousculant nos consciences, nous déstabilisant, et nous obligeant à réfléchir. On se souvient de « La profondeurs des Forêts » et de « L’homme qui mangea le Monde » qu’il a également mis en scène (voir les critiques du BDO Tribune).

Pour « December Man », l’histoire est racontée à partir de la fin en remontant le temps, ce qui obligera le spectateur non pas à se demander ce qui va se passer, mais bien pourquoi cela s’est passé. Surprenant et inhabituel. Une particularité plus que captivante, étonnante. De quoi relever le débat.

Et comme Lini ne fait pas les choses à moitié, le choix du casting est juste excellent : la famille Fournier (nom d’emprunt) est représentée par Félix Vannoorenberghe (Jean, le fils) ; Sophia Leboutte (Catherine, la mère) et Luc Van Grunderbeeck (le père). Félix qu’on a pu admirer dans « La profondeur des Forêts » et Luc dans le père atteint d’Alzheimer (bluffant) de « L’Homme qui mangea le Monde ». Sophia Leboutte plus vraie que nature dans son rôle de mère, nous déchire le cœur.

L’auteure : Collen Murphy, interpelée par « la manière dont la violence publique touche et parfois détruit certaines vies », s’intéresse de près aux conséquences de la violence (guerres, meurtres, attaques terroristes) qui se produisent au XXIe siècle. La façon dont les personnes réagissent et le questionnement sur nos réactions face à de tels évènements tragiques, l’amène à écrire ces textes poignants avec justesse, force, émotion et une certaine pointe d’humour. Comme la vie de tout un chacun, celle de tous les jours. La culpabilité, la douleur intérieure, le désespoir qui mène Jean à cette fin tragique, l’amène à écrire cette histoire, deux ans de la vie de cette famille.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ses écrits marquent les esprits. Attendez-vous à le vivre avec vos tripes et le cœur dans la gorge du début à la fin !

« December Man » : j’y vais absolument !

Julia Garlito Y Romo

La Distribution mérite un intérêt certain : Assistant mise en scène : Nargis Benamor ; comédiens : Sophia Leboutte, Luc Van Grunderbeeck et Félix Vannoorenberghe ; traduction et dramaturgie : Xavier Mailleux ; scénographie : Renata Gorka ; création vidéo / son : Sébastien Fernandez ; création lumières : Jérôme Dejean ; régie son et vidéo : John Cooper ; régie lumières : Julien Soumillon ; régie plateau : Alfred Serghini : régie de costumes : Rosmary Roig-Zarate ; stagiaire régie : Nicolas Ghion

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s